Dans un contexte où les relations entre puissances se tendent, marquant ainsi un retour à une période de confrontation, et où une « guerre hybride » émerge, caractérisée par une multiplication des cyberattaques, de l’espionnage, du vol de propriété intellectuelle, de la manipulation de l’information et de la désinformation, le péril que représentent pour nos démocraties européennes les interventions étrangères, qu’elles proviennent d’États étrangers, d’entités étrangères diverses, de « proxys » ou de réseaux criminels, est devenu une préoccupation majeure. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a adopté, mercredi 27 mars, une proposition de loi Renaissance visant à lutter contre les ingérences étrangères.
Lutter contre les ingérences : une nécessité
Les manœuvres d’ingérence agressives menées par des États qui ne sont pas animés par des intentions bienveillantes, en premier lieu la Russie, sont de plus en plus affirmées. Nos sociétés démocratiques européennes, en incarnant des principes et des valeurs souvent peu respectés voire rejetés par des régimes autoritaires ou dictatoriaux, sont particulièrement visées. La liberté d’opinion et d’expression, le pluralisme, la liberté de la presse et les libertés académiques, fondamentales au bon fonctionnement de nos démocraties, créent un espace de liberté et de légalité précieux pour nous, mais exposent également des opportunités et des vulnérabilités aux menaces de déstabilisation et aux agressions.
C’est au regard de ces enjeux que Renaissance a proposé et fait voter une Loi visant à lutter contre les ingérences étrangères, mêlant la création d’un registre national de l’influence, la possibilité de geler des avoirs financiers et une extension controversée d’un dispositif de surveillance algorithmique.
Ce que propose le texte
La proposition de loi visant à lutter contre les ingérences part du constat dressé la rapporteure Constance Le Grip de la commission d’enquête de sur les ingérences étrangères, dont j’étais Vice-présidente, et par la délégation parlementaire au renseignement. Il existe aujourd’hui un risque réel de menaces étrangères, et celui-ci s’amplifie. Ces menaces sont d’origines diverses. Russe et chinoise bien sûr, mais également iranienne ou encore turque, avec différentes méthodes : la déstabilisation des démocraties par la manipulation de l’information, les fausses informations, les cyberattaques, mais aussi la prédation économique sur nos entreprises ou sur nos savoirs universitaires. Le statut de grande puissance de la France l’expose à des agressions ou tentatives de déstabilisations protéiformes émanant de l’étranger. Les outils qui existent aujourd’hui pour les contrer, bien qu’efficaces, demeurent parfois insuffisants au regard de l’intensification de la menace que font peser les ingérences étrangères sur l’exercice de la souveraineté nationale.
Nous proposons d’intervenir de trois manières. D’abord, en connaissant mieux, et collectivement, les ingérences. La proposition de loi prévoit la remise par le gouvernement, avant le 1er juillet 2025 puis tous les deux ans, d’un rapport annuel au Parlement sur l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, et notamment des menaces résultant d’ingérences étrangères. En effet, il est important d’habituer tout l’environnement des représentants de la nation à mieux connaître ce à quoi nous sommes exposés sur la base de ce rapport, remis par les services de renseignement. Il s’agit ensuite de pouvoir connaître les influences pour pouvoir les réduire, grâce à un fichier regroupant toutes les personnes qui exercent une influence en France pour le compte d’une puissance étrangère. La gestion de ce nouveau répertoire est confiée à laHaute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ainsi, toute personne, peu importe sa nationalité, qui promeut les intérêts d’une puissance étrangère (hors Union européenne) auprès des pouvoirs publics français ou du grand public, sera soumise à une obligation déclarative. Enfin, en cas de non-soumission cette obligation, le texte prévoit une sanction pénale suffisamment forte allant jusqu’à 3 ans de prison et 45 000€ d’amende.
A cela s’ajoute l’article clé du texte, qui prévoit d’élargir le dispositif de surveillance algorithmique lancé en 2015 et destiné à repérer des données de connexions sur Internet, aujourd’hui circonscrit à la lutte antiterroriste, avec une efficacité mitigée. Il sera plus efficace pour détecter des protocoles suivis par des agents d’ingérence. Le texte prévoit également une expérimentation de quatre ans, durant laquelle les services pourraient appliquer des algorithmes de surveillance à la lutte contre les ingérences.
Le Sénat doit encore examiner la proposition de loi, en séance publique, le 22 mai 2024. En attendant, je salue l’adoption de cette proposition par l’Assemblée. Encadrer la prévention des ingérences étrangères par la voie légale constitue une riposte démocratique nécessaire face aux attaques hybrides croissantes menées par les puissances étrangères en France.
Pour en savoir plus sur la lutte contre les ingérences étrangères à l’échelle européenne