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3 ans de guerre : l'Europe doit prendre son destin en main

Depuis 2017, je suis avec la plus grande attention ce qui se passe en Ukraine, un des 47 pays de ma circonscription. Comme commissaire aux Affaires étrangères puis à la Défense (2017-2024), j’ai porté avec d’autres députés de mon groupe politique la conviction que soutenir l’Ukraine, ce n’est pas seulement défendre nos valeurs, c’est défendre nos intérêts et les intérêts de l’Europe. C’est défendre la maîtrise de notre destin.

Ce conflit oppose en réalité deux visions du monde : celle des démocraties libérales qui expriment leur puissance par la force de la loi et celle des régimes autoritaires qui imposent leur puissance par la loi de la force. C’est aussi la confrontation entre des pays comme le nôtre qui défendent des valeurs, l’Etat de droit, l’universalisme, les droits humains, le respect de la planète et ceux qui défendent leurs seuls intérêts territoriaux, commerciaux, financiers et militaires.

Dès 2014, la Russie attaquait l’Ukraine en s’emparant de la Crimée. Le 24 février 2022, la Russie envahissait massivement l’Ukraine, ramenant la guerre en Europe. Trois ans plus tard, les Ukrainiens se battent toujours avec un courage admirable, mais leur situation est critique.

Pendant ce temps, les soutiens vacillent, notamment aux États-Unis où Donald Trump souffle le chaud et le froid sur l’avenir de l’engagement américain. Que les États-Unis demandent à l’Europe de prendre davantage sa part dans la défense collective est une position légitime. Mais en France, nous n’avons pas attendu Donald Trump pour y travailler : depuis 2017, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, la France aura quasiment doublé son budget défense en 10 ans et plaide sans relâche pour une défense de notre espace européen plus forte et plus autonome.

L’urgence d’un réveil européen

Aujourd’hui, l’Europe doit de toute urgence se concentrer sur ses atouts de puissance, recouvrer son unité et chasser toute naïveté : nous ne confondons pas l’agresseur et l’agressé. Nous savons que l’Ukraine n’a pas choisi cette guerre. Nous savons que dans une incommensurable douleur l’Ukraine a déjà gagné sa place dans le concert des Nations. Nous savons qu’aucune paix durable ne naîtra d’un abandon de l’Ukraine. Nous savons aussi qu’il est illusoire de croire qu’un Poutine victorieux s’arrêterait à l’Ukraine. Les Pays baltes, la Géorgie, la Moldavie, la Pologne, … tous savent qu’ils pourraient être les suivants. Laisser faire, ce serait accepter une Europe à nouveau soumise au chantage et à la brutalité d’une puissance impérialiste et hostile. 

Si nous abandonnons l’Ukraine aujourd’hui, qui demain osera croire en nos engagements ? 

C’est la raison pour laquelle l’aide à l’Ukraine doit être maximale. Nous avons franchi un cap en livrant des équipements stratégiques à Kyiv. 

Mais nous devons aller plus loin : augmenter notre aide matérielle en systèmes offensifs et défensifs, renforcer nos programmes de formation, accélérer la maintenance des équipements fournis, contribuer plus largement à la reconstruction et à la réparation des infrastructures militaires endommagées, anticiper les besoins de renseignement et de surveillance dans l’hypothèse d’un désengagement américain en coordination avec nos partenaires européens et otaniens, monter de plusieurs crans le soutien financier, fournir une aide humanitaire accrue pour soutenir la résilience de la société civile et pourquoi pas assurer une présence sur le sol ukrainien dans le cadre d’un mandat international.

Notre responsabilité, en tant que démocraties, est d’agir pour que cette guerre se termine dans la justice, en apportant les garanties de sécurité nécessaires à l’Ukraine et à l’ensemble du continent européen. Désormais les Européens ne peuvent faire le choix de la faiblesse. 

Car cette guerre a mis en lumière les failles de la défense de notre continent européen : trop peu d’autonomie et trop grande dépendance au parapluie américain. Collectivement, il nous faut et sans attendre augmenter nos dépenses militaires, renforcer nos industries de défense et construire une capacité d’action européenne crédible.

Une réponse française et européenne à la hauteur

Côté français, nous ne devons poursuivre et accélérer notre effort de défense entamé en 2017. Le président de la République a eu raison d’appeler le pays à intensifier nos dépenses militaires pour atteindre 5 % du PIB. Mais cela correspond à 145 Milliards d’euros soit 3 fois le budget défense de 2025. Tel est le prix à payer pour nous préparer à tous les scenarii. Cet effort est considérable, les Français doivent en avoir conscience. 

Un tel effort nous permettra de soutenir une véritable économie de guerre qui exige de produire beaucoup plus d’armes et de munitions, d’investir massivement dans l’innovation de défense, de renforcer nos infrastructures et nos capacités logistiques, de développer des capacités très avancées en cybersécurité et en réseaux de communication, d’assurer notre indépendance énergétique, de gérer nos ressources critiques ou encore d’assurer une formation au plus haut niveau de nos personnels militaires et civils.Il nous faut lutter contre la guerre de l’information menée par la Russie car ce conflit est aussi une bataille des récits. Poutine exploite la désinformation pour fracturer nos démocraties. Nous devons ainsi renforcer notre capacité de communication stratégique et nos outils de cybersécurité et de renseignement.

Le rôle et l’avenir de l’OTAN doivent être au cœur de nos analyses : nous devons y plaider pour une meilleure intégration de la réponse européenne. Loin de se diluer, l’OTAN a été revivifiée par cette guerre. Mais avec l’incertitude qui plane avec l’administration Trump, nous devons nous préparer à toutes les éventualités. Le sommet de La Haye en juin 2025 sera un moment clé pour clarifier la posture de l’Alliance. Et nous devons d’ores et déjà nous y engager beaucoup plus fortement : plus de France dans l’Otan et plus de culture otanienne en France !

Soutenons l’Ukraine de toutes nos forces

Vient aussi le temps de la reconstruction de l’Ukraine ; celui-ci a déjà commencé et la France y a toute sa place aux côtés de nos partenaires et alliés européens avec lesquels nous accompagnerons le développement économique et industriel du pays. Car l’Ukraine d’après-guerre se rebâtira en Europe et avec l’Europe : elle en sera même un pilier.

Soyons donc d’une très grande lucidité : l’idée que la paix pourrait émerger d’un compromis avec Moscou est une illusion dangereuse. « Si notre liberté n’a pas de prix, elle a un coût. Et ce coût, c’est celui du soutien sans faille à ceux qui se battent pour la démocratie. », c’est ce que j’écrivais dans la Revue Défense Nationale en février 2024. Rien n’est plus vrai aujourd’hui ! Nous sommes à un moment charnière. Si nous faiblissons maintenant, nous en paierons le prix pendant des décennies. L’Europe n’est pas un paillasson. C’est le message qu’Emmanuel Macron porte aujourd’hui à Washington. Je m’inscris pleinement dans cette ligne.

Préparons-nous avec fermeté, solidarité et engagement à cheminer avec un voisin menaçant et faisons nôtre cette parole de Thucydide « quand deux partis se redoutent également, ils mettent plus de précautions à s’attaquer ». Plus que jamais, soyons puissants !