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Quel modèle économique pour la CFE ?

La Caisse des Français de l’Étranger (CFE) permet à nos compatriotes expatriés de conserver un lien essentiel avec la protection sociale française. C’est un modèle unique, qui incarne une certaine idée de la solidarité nationale, au-delà des frontières. Mais ce modèle, aujourd’hui, est fragilisé. La question de sa soutenabilité financière ne peut plus être éludée. 

Un modèle précieux mais en déséquilibre 

La CFE repose sur une double ambition : offrir une continuité de couverture aux expatriés, sans sélection ni médicale ni en fonction de l’âge, tout en garantissant un accès facilité au système français lors du retour. Cette ambition a un coût. Les contrats collectifs, longtemps essentiels à l’équilibre de la Caisse, ne représentent plus qu’un tiers du portefeuille en 2024, contre la moitié en 2010. À l’inverse, les contrats individuels, notamment les contrats dits « ex », pèsent de plus en plus lourd et sont parfois structurellement déséquilibrés. La gouvernance et le financement de la CFE doivent donc évoluer. Sans réforme, les déficits s’accumuleront et mettront en péril la viabilité même du système. 

Dans le cadre des Assises de la Protection Sociale des Français de l'étranger, le Minitre Laurent Saint Martin a tenu, dans un exercice d'une rare transparence, à présenter les conclusions du rapport de l'IGAS et de l'IGF. 

Des pistes de réforme à envisager sans dogmatisme 

Depuis 2022, j’ai demandé aux différents gouvernements d’auditer la CFE puis de proposer des scénarios d’évolution. Il faut objectiver les effets de la réforme de 2018, que j’avais portée en tant que rapporteure à l’Assemblée nationale. Déjà à l’époque, la question de la soutenabilité était posée. 

Aujourd’hui, plusieurs pistes sont à l’étude : revalorisation progressive des cotisations, meilleure gestion des frais de fonctionnement, une politique commerciale plus performante, réforme de la catégorie aidée, avec des critères plus justes et plus efficaces. La réforme de 2018 avait eu des effets positifs sur l’augmentation des recettes grâce à un mode de cotisation basé sur l’âge plutôt que sur les revenus. Mais dans un contexte mondial marqué par la hausse des coûts de santé, cela ne suffit plus. 

Je plaide aussi pour un changement de gouvernance : les entreprises, qui représentent un vivier d’assurés, ne sont pas représentées au conseil d’administration. C’est un non-sens. Il faut refonder un partenariat avec les employeurs, avec une approche commerciale plus active, y compris depuis l’étranger. 

Je suis favorable à une « dépolitisation » de la CFE, afin d’éviter les dérives clientélistes et d’adopter une vision plus entrepreneuriale. 

Concernant les contrats dits « ex », je ne suis pas opposée à une revalorisation raisonnable et progressive des cotisations. Cela paraît aujourd’hui inévitable. 

Enfin, je suis surprise souhaite que l’on n'explore pas la possibilité d’un recours partiel au privé, via une délégation de service public. La CFE de demain devra conjuguer efficacité assurantielle et culture de solidarité. Cette solution qui ne serait peut-être pas retenue, devrait être a minima expertisée afin d'être proposée à la réfléxion collective. 

Défendre un équilibre entre solidarité et responsabilité 

Je veillerai à ce que les Français de l’étranger soient préservés au mieux dans les réformes à venir. Cela suppose un modèle juste, durable et performant. Je reste également vigilante face aux fausses bonnes idées, notamment celles qui reposeraient sur une prise en charge intégrale par l’État, ou un financement via un impôt universel. Cette idée, que l’on retrouve tant à gauche qu’au Rassemblement national, est une impasse. 

En outre, aucun État ne finance la protection sociale de ses expatriés. Il n’y a pas d’argent magique.

Pour continuer à exister dans 10 ou 15 ans, la CFE devra s’appuyer sur une politique de gestion rigoureuse, une stratégie commerciale offensive, des hausses ciblées de certaines cotisations, et une gouvernance repensée. 

Pour ma part, je continuerai à défendre une approche pragmatique, responsable et constructive. La CFE est une chance pour notre pays. Préservons-la intelligemment, sans naïveté, sans démagogie et avec une seule boussole : l’intérêt des Français établis hors de France.