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Une école exigeante, respectueuse, ambitieuse : pour une réforme qui honore les professeurs

Formation initiale des enseignants, un aboutissement attendu, une cohérence assumée 

Je veux d’abord saluer les annonces faites ce vendredi par le Premier ministre François Bayrou et la ministre de l’Éducation nationale. Elles consacrent l’aboutissement d’une réforme structurante, pensée, conçue et portée depuis plusieurs années : celle de la refonte de la formation initiale des enseignants. 

Cette réforme, initiée sous le Gouvernement Attal, poursuivie sous le Gouvernement Barnier, est aujourd’hui relancée dans des termes ambitieux et clairs. Elle vise un objectif fondamental : élever le niveau de nos élèves. Et pour cela, il faut réarmer notre École. Réarmer l’École, cela commence par ses professeurs. 

L’accès au métier dès la licence, la refonte des masters, la revalorisation du statut de stagiaire et des engagements de formation renforcés : autant de leviers pour répondre à une réalité connue de tous – la crise des vocations et la difficulté croissante à pourvoir les postes dans tant de disciplines. Cette réforme vise à élargir le vivier en s’adressant à tous ceux qui, faute de moyens ou de garanties, renoncent à poursuivre dans cette voie après la licence. En proposant un master sous statut d’élève-fonctionnaire-stagiaire, nous leur offrons à la fois des perspectives solides, une reconnaissance statutaire et une rémunération qui rendent la poursuite d’étude non seulement possible, mais désirable. C’est cela, l’ambition de cette réforme : faire de l’engagement pour l’École un choix soutenu, un choix sécurisé, un choix valorisé. Une réforme de bon sens, structurante et attendue, parce qu’elle redonne lisibilité et attractivité à un métier essentiel. 

Je m’en réjouis d’autant plus que cette réforme porte aussi une vision républicaine forte : celle de l’autorité du professeur, fondée sur sa formation, son engagement, et son exigence. Pour rétablir la promesse républicaine, il faut une École exigeante, avec des enseignants bien formés, préparés, accompagnés. 

Pas d’opposition artificielle entre écrit vs écran 

Sur le second point, la reconquête de l’écrit, je veux saluer l’ambition affichée. Oui, bien sûr, l’écriture est au cœur des apprentissages. Oui, il faut écrire plus, écrire mieux, écrire dès le plus jeune âge. Les rapports du Cnesco ou de l’Inspection générale, les travaux des didacticiens et des pédagogues, le rappellent depuis longtemps : l’écriture est une compétence complexe, structurante, transversale. Elle mérite toute notre attention. 

 Néanmoins, je veux aussi rappeler que les professeurs n’ont jamais cessé de faire écrire leurs élèves. Ce serait une erreur – plus encore, une injustice – de faire croire à nos compatriotes que l’écrit aurait été négligé, voire abandonné. Loin de là. De mon expérience – certes brève mais de terrain – je crois que les enseignants n’attendent pas qu’on leur désigne une nouvelle priorité, surtout lorsqu’ils la portent déjà dans leurs classes, souvent dans des conditions difficiles. 

Le sujet n’est pas de proclamer un retour de l’écrit, mais d’en clarifier les modalités, les finalités. Pourquoi écrit-on ? Comment ? Dans quel cadre ? Quels temps scolaires y consacre-t-on réellement ? Il ne suffit pas d’évoquer l’écrit pour régler la question : il faut parler didactique, organisation, formation. 

Enfin, je veux mettre en garde contre un piège bien français : celui de l’opposition artificielle entre l’écrit et l’écran. L’un n’exclut pas l’autre. Les outils numériques, bien régulés, bien pensés, peuvent être des alliés puissants de l’écriture. Brouillons numériques, publications collaboratives, corrections interactives : ce sont des leviers utiles, s’ils sont intégrés intelligemment. Le numérique n’est pas l’ennemi de l’écrit. Il peut en être l’extension. Ne l’oublions pas. 

 L’urgence d’un sursaut pour l’École 

Mais l’écriture, aussi fondamentale soit-elle, ne règlera pas tout. Je veux redire ici l’urgence d’un sursaut. 

L’urgence de regarder en face les maux qui rongent l’École. Où sont les réponses à la solitude des professeurs ? À la violence qui gangrène le climat scolaire ? Où est l’élan national pour ramener la sérénité dans les établissements, protéger les équipes, sécuriser les classes ? On ne transformera pas l’École par des priorités affichées. On la transformera en répondant aux souffrances du quotidien. 

Trop d’enseignants se sentent seuls, désavoués, abandonnés. Trop de classes sont bruyantes, désorganisées, insécurisées. L’École ne peut pas élever si elle n’est pas d’abord un lieu sûr, stable, respecté. Et cela vaut pour les élèves comme pour les adultes. Comment apprendre, comment enseigner, comment faire aimer l’écrit dans une salle où l’on craint l’agression, la rumeur, l’humiliation ? Où l’on passe plus de temps à gérer le désordre qu’à faire écrire une phrase ? L’écrit est fondamental, mais il ne peut s’épanouir que dans un cadre. Ce qui est premier, c’est le respect. C’est l’ordre. C’est la reconnaissance du professeur, non pas seulement dans les discours, mais dans les actes. 

Réhumaniser l’École et restaurer l’ordre dans les classes : voilà la priorité des priorités. 

Chaque responsable politique doit en prendre la mesure : ce chantier est immense, mais il est au cœur même de la promesse républicaine. Il engage ce que nous voulons être collectivement. Il touche à l’essence de la Nation que nous prétendons incarner. Rien ne sera possible sans une École respectée, apaisée, humaine. Rien ne sera durable sans ce socle.