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Kyiv, capitale d’un monde libre en résistance

Kyiv, en guerre mais debout

Les 8 et 9 mai 2025, le Kyiv Security Forum s’est tenu dans une capitale en guerre, mais debout. Son mot d’ordre, « Unite again to defeat the global aggressor », sonnait comme un appel historique et une injonction politique. Il ne s’agissait pas d’un colloque parmi d’autres, mais d’un moment de vérité. Kyiv n’a pas seulement accueilli un forum de sécurité : elle a incarné ce que signifie aujourd’hui défendre la liberté, dans sa forme la plus concrète. Dès les premières interventions, le ton a été donné. L’ancien Premier ministre Arseniy Yatsenyuk a rappelé que « la politique d’apaisement conduit toujours à une agression ». Ce que la communauté internationale refuse encore parfois de dire à voix haute, l’Ukraine l’affirme avec clarté : le Kremlin mène une guerre impérialiste de destruction nationale, visant non seulement un État, mais une idée – celle de la souveraineté populaire, de la démocratie, de l’Europe. L’agression russe n’est pas une tragédie lointaine : elle est un test pour l’Occident. La vice-présidente du Parlement ukrainien, Olena Kondratiuk, a souligné avec franchise les hésitations initiales de certains partenaires européens. Elle a néanmoins salué l’unité franco-allemande, britannique et polonaise, aujourd’hui essentielle pour maintenir le front de la résistance. Quant à Natalie Jaresko, ancienne ministre des Finances, elle a résumé l’enjeu en une phrase fulgurante : « Le sujet aujourd’hui n’est pas de soutenir l’Ukraine, mais de sauver l’Europe. »

L’Europe face à sa propre responsabilité stratégique

L’Europe est directement concernée. Ce qui se joue à Bakhmout, à Kharkiv ou à Donetsk ne relève pas de la seule politique étrangère. C’est une bataille pour la sécurité collective, pour la stabilité du continent, pour le droit international. Il est temps d’ouvrir les yeux : les frontières européennes sont attaquées. Les valeurs européennes sont contestées. Et l’avenir stratégique de l’Europe dépendra de sa capacité à répondre, non par des incantations, mais par des choix concrets. Contrairement à certaines idées reçues, l’Europe n’est pas impuissante. Comme l’a rappelé Lauri Hussar, président du Parlement estonien, « l’Europe a tous les atouts d’une puissance. Elle doit simplement accepter de l’être ». Elle dispose de la première base industrielle intégrée au monde, d’une puissance normative unique, d’une armée de partenaires capables de coopérer, et d’une monnaie forte. Elle peut, si elle en fait le choix politique, devenir ce qu’elle prétend être : un acteur stratégique autonome. Ce qui manque, ce n’est pas la capacité. C’est le courage.

Assumer enfin une souveraineté européenne

Ce courage, il est d’abord politique. Il suppose de dépasser les lignes de fracture entre États membres, de rompre avec les réflexes d’attentisme ou de dépendance, et d’assumer une vision commune de notre souveraineté collective. Il implique d’augmenter les moyens alloués à notre défense, de faire de la base industrielle européenne un pilier de notre stratégie, et de garantir à l’Ukraine des engagements durables – militaires, économiques, institutionnels. Ce courage politique, c’est aussi celui de dire que la défense de l’Europe ne peut plus dépendre des humeurs d’alliés extérieurs. La question n’est plus de savoir si l’Amérique se retirera, mais de s’y préparer lucidement. À Kyiv, cette lucidité était palpable. L’un des panels les plus marquants portait un titre sans détour : « Comment vivre sans l’Amérique ? » Car si Washington suspend son aide, si l’axe transatlantique vacille, l’Europe devra assumer seule ses responsabilités. Le message est clair : ce que les Ukrainiens attendent, ce ne sont pas des promesses conditionnelles, mais une solidarité stratégique fondée sur la confiance et sur des actes.

L’Europe ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas

Du côté ukrainien, l’exigence est limpide : la victoire. Pas un cessez-le-feu au rabais. Pas un gel du conflit qui consacrerait l’annexion. Une victoire qui garantisse l’intégrité du pays, sa sécurité, sa liberté de choix. Une combattante l’a dit simplement : « Nous avons besoin de victoire, pas seulement de paix ». Un ancien prisonnier de guerre a ajouté : « Grâce à vous tous, je suis encore en vie ». Leur courage interpelle. Leur détermination oblige. L’Europe ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas. Elle sait. Elle sait que la Russie nie la souveraineté ukrainienne. Elle sait que la Chine observe. Elle sait que Trump hésite. Elle sait que l’Ukraine résiste, et qu’elle pourrait tomber. 

Le Kyiv Security Forum a été un moment de lucidité. Il appelle à l’action. Il exige du courage. Et il laisse une question simple mais décisive : l’Europe est-elle encore prête à faire l’Histoire, ou va-t-elle se contenter de la subir ?