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Face à un monde instable : redéfinir notre stratégie, renforcer nos moyens

Une évolution brutale du contexte international 

 Nous sommes à un tournant. Le monde que nous avions appris à lire, à comprendre, à maîtriser, se dérobe sous nos pieds. Depuis plusieurs années déjà, des signaux faibles annonçaient un dérèglement de l’ordre international. Aujourd’hui, ces tendances s’accélèrent brutalement : l’agression russe en Ukraine, les conflict­ts à Gaza, au Soudan, la crise iranienne… 

Ces événements ne sont pas isolés : ils traduisent une ère nouvelle, marquée par la violence décomplexée, le recul du droit, et la remise en cause des équilibres géopolitiques. Face à cela, les Européens doivent tirer les conséquences d’une double désillusion : la permanence de la menace russe, durable et organisée, et le recul des garanties offertes par les alliances traditionnelles. L’Europe ne peut plus compter sur un parapluie stratégique automatique. Elle doit apprendre à reposer sur ses propres forces. Pour la France, qui a toujours cultivé une tradition d’indépendance stratégique, ce moment appelle une lucidité sans faille et des décisions courageuses. 

 À cette instabilité s’ajoute une révolution technologique : intelligence artificielle, guerre électronique, espace, quantique... Ce sont autant de champs de conflictualité nouveaux, qui exigent un changement profond de nos doctrines et de nos moyens. Le conflit ukrainien nous montre à quel point la guerre de demain se joue aussi dans le ciel, sur les réseaux et dans les data centers. L’effort de compréhension, d’adaptation et de transformation doit être collectif. Il est temps pour l’Europe de regarder la réalité en face et de se préparer au pire pour préserver la paix. 

Des objectifs stratégiques clarifiés et adaptés 

C’est dans ce contexte que le Président de la République a présenté, le 14 juillet 2025, une mise à jour majeure de la Revue nationale stratégique (RNS) : la RNS 2025. Cette Revue confirme que la menace d’un conflit majeur en Europe n’est plus hypothétique, et exige un changement profond de notre posture stratégique. Le glissement d'un des objectifs stratégiques, qui passe d’« une économie concourant à l’esprit de défense » à « une économie qui se prépare à la guerre », illustre ce basculement de mentalité. Loin d’être un simple verbe, ce changement reflète une réalité qu’il nous faut assumer collectivement. 

Le constat est sans concession : face à l’incertitude sur le rôle des États-Unis et le risque de désengagement de ses alliés, la France affirme désormais vouloir être un allié fiable, capable de décisions autonomes dans l’analyse, la projection, comme dans l’engagement. 

Un onzième objectif stratégique est intégré à cette actualisation : « Une excellence académique, scientifique et technologique au service de la souveraineté française et européenne ». Cette ambition traduit la conviction qu’innovation et souveraineté sont indissociables. 

Vers une nouvelle loi de programmation militaire : se donner les moyens de faire face 

Les engagements prennent corps dans des décisions concrètes. Lors du sommet de l’OTAN à La Haye (24–25 juin 2025), les Alliés ont adopté un objectif inédit : consacrer 5 % de leur PIB à la défense d’ici 2035. Pour la France, cela implique de réviser la Loi de programmation militaire (LPM) 2024‑2030, actuellement calibrée à 2 % du PIB. Aujourd’hui, le budget défense est déjà porté à 2,3 % du PIB dès 2027 (soit environ 64 milliards d’euros), une trajectoire accélérée par rapport à la programmation initiale. Toutefois, nous devons mettre en oeuvre une véritable montée en puissance budgétaire, en s’inscrivant dans une vision claire : garantir une dissuasion nucléaire crédible, renforcer la résilience nationale, assoir notre autonomie technologique, cybernétique et stratégique, et affirmer le rôle de la France et de l’Europe sur la scène mondiale. 

Cette nécessité d’adaptation n’est pas une vision abstraite. Elle fait écho à l’appel lancé dans par le groupe Ensemble pour la République dans une tribune le 8 juillet 2025, intitulée « Appel à l’actualisation rapide de la loi de programmation militaire » : le monde est devenu "plus instable, plus imprévisible, plus dangereux" ; les certitudes stratégiques, juridiques et technologiques se sont évanouies. 

Il est illusoire d'hypothéquer notre sécurité à une protection extérieure . L’heure est à l’action, non à l’hésitation. L’actualisation de la LPM n’est pas une option : elle est une exigence, à la hauteur des défis de notre époque. Nous devons aller plus vite, plus loin, ensemble, avec responsabilité, détermination et audace.