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Mobilité internationale : ce que disent les chiffres

Tout d’abord un immense merci pour votre participation qui a largement dépassé nos espérances. Nous avons reçu plus de 42.000 réponses issues de tous les pays du monde. Les données recueillies par ce questionnaire, mais également celles provenant de vos témoignages, des nombreuses heures d’auditions que j'ai réalisées ou encore l'enquête adressé aux personnels des Consulats à travers le monde, nous ont permis de nous faire une idée plus juste du profil des Français vivant à l’étranger, de leurs besoins et des liens qu’ils entretiennent avec la France. Vous trouverez dans cet article quelques données, non exhaustives, issues de ce questionnaire, en attendant la publication de l’ensemble des chiffres dans le rapport qui sera remis au Premier ministre.

Qui sont les Français de la mobilité internationale ?

Il existe beaucoup de fantasmes et de préjugés sur les Français de l'étranger. Pour certains de nos compatriotes, nous serions tous de jeunes cadres dynamiques partis travailler pour une multinationale avec un plan d’expatriation avantageux. Pour d’autres, nous serions des nantis, partis dans l’unique but de ne plus payer d’impôts. Certaines personnes au contraire imaginent que nous sommes partis vivre dans des pays à bas coûts, nos maigres revenus ne  nous permettant pas de rester décemment en France. D'autres encore supposent qu'en tant que « Français établis hors de France », nous n'aurions plus de lien avec le pays et donc plus aucune raison de rentrer. A l'inverse, une autre idée préconçue voudrait qu'une expatriation soit forcément temporaire et qu'il soit inconcevable de ne pas prévoir un retour dans son pays. L’enseignement principal que nous retirons de cette enquête, c’est que les Français de l’étranger ont des profils très divers, tout comme les Français résidant dans l’Hexagone. Nous avons tous, Français de France ou de l’étranger, une image déformée, parfois caricaturale des profils de Français vivant à l’étranger. Nous avons tendance à projeter notre propre situation ou celles des personnes qui nous entourent sur un phénomène multiforme.  Nous sommes étudiants, stagiaires, retraités, fonctionnaires, salariés du privé, expatriés de grandes ou petites entreprises, entrepreneurs à succès ou en difficulté, travailleurs indépendants, humanitaires, journalistes, médecins, parents isolés ou vivant en famille, célibataires, nomades digitaux, frontaliers, binationaux, partis pour un court séjour, pour la vie, ou bien nés à l’étranger. Nous sommes la France de la mobilité internationale ! Je suis consciente qu’il y a autant de réalités de la vie à l’étranger qu’il y a de Français vivant hors de nos frontières. C’est pourquoi il était important pour moi de réaliser ce questionnaire, afin d’avoir une vision globale des Français en mobilité. Cette enquête nous a par exemple appris que 18% des Français en mobilité étaient retraités, quasiment tous du système français (ce qui est inférieur à la proportion en France, d’environ 24%). Contrairement à une idée reçue, seulement 8% des répondants sont salariés d’une entreprise française, et 3% du service public français. En revanche, 35% sont salariés d’une entreprise non française, le plus souvent en contrat de droit local, et 17% sont indépendants ou créateurs d’entreprises. La majeure partie des travailleurs français à l’étranger ne sont donc pas des expatriés, mais sont totalement intégrés dans le système de leur pays d’accueil. Autre chiffre à retenir : le chômage relativement bas des jeunes Français partis à l’étranger. 5% seulement des moins de 35 ans disent être sans emploi, malgré les difficultés des « conjoints suiveurs » pour trouver un emploi dans certains pays.  

Un Français sur deux paie des impôts ou des taxes en France

Une autre idée reçue a été démentie grâce à ce questionnaire, celle qui consiste à penser que les Français vivant à l’étranger ne participent pas à l’effort national. Alors que seulement 10% d’entre eux disent être résidents fiscaux en France, 30% disent percevoir des revenus en France, et 52% déclarent n’y payer aucun impôt (ce qui signifie que 48% en paient !). Parmi ces impôts et taxes, beaucoup sont liés à l’immobilier (taxe d’habitation sur une résidence secondaire, taxe foncière, impôt sur les revenus fonciers…). Le questionnaire nous révèle un manque d’information voire une méconnaissance des problématiques liées à la fiscalité. 46% de nos concitoyens établis à l'étranger ignorent s’il existe une convention fiscale entre la France et leur pays de résidenc. Plus inquiétant, 3% disent ne pas savoir dans quel pays ils sont résidents fiscaux !  De leur côté, les retraités semblent être plus nombreux à payer des impôts en France que les actifs. Deux raisons sans doute pour expliquer cela : A/ Comme en France, les retraités sont plus nombreux à être propriétaires immobiliers (et donc à être imposés sur ces biens) B/ La quasi-totalité des retraités semblent être retraités du système français. Une majorité d’entre eux a donc passé sa vie active en France et investi dans notre pays pour préparer sa retraite, contrairement aux actifs à l’étranger, qui auraient peut-être plus souvent tendance à investir dans leur pays de résidence ou dans un pays tiers.

La protection sociale ne s’envisage pas de la même manière à Bruxelles ou à Shanghai

Concernant la protection sociale des Français vivant à l’étranger, nous remarquons une grande différence entre les Français établis dans l’Union Européenne et ceux qui vivent hors UE. Si 81% des Français résidant dans l’Union Européenne bénéficient du système de protection sociale de leur pays d’accueil, ils ne sont que 59% en dehors de l’UE. Une preuve s’il en fallait de l’utilité et de l’efficacité de l’Union pour protéger ses citoyens et favoriser leur mobilité internationale. Mais cette différence doit aussi nous faire prendre conscience d’une conception différente de la nôtre de la protection sociale dans beaucoup de pays, qui n’est pas rattachée au pays de résidence. Nous remarquons par exemple que seulement 3% des Français résidant au sein de l’UE sont assurés à la CFE pour leur santé, contre 16% hors UE.    

La question du retour en France n’est pas tranchée

Lors de cette mission, nous vous avons également interrogés sur votre volonté de rentrer vivre en France. Les réponses ne sont pas tranchées, puisque vous avez été 50% à répondre « Je ne sais pas » à cette question. Vous êtes 33% à envisager un retour, quel qu’en soit le délai et 17% à déclarer ne jamais vouloir vous réinstaller en France. Ces chiffres nous apportent deux enseignements. Le premier, c'est qu’une grande majorité des Français vivant à l’étranger (88%) pourrait potentiellement être concernée par un retour en France. Cette question est donc centrale. Le second, c'est que la question du retour n’est pas souvent posée au moment même du départ. Les trajectoires des Français vivant hors de nos frontières sont de moins en moins écrites à l’avance. Nous sommes passés d’une époque des Français de l’étranger (installés à l’étranger et désirant y rester) ou des expatriés (envoyés par leur entreprise pour une durée définie) à une époque des Français en mobilité, plus flexibles dans un monde en perpétuel boulversement. Notre pays a donc tout intérêt à se rendre attractif pour ses citoyens vivant à l’étranger : mobiles et prêts à changer de pays selon les opportunités. Néanmoins, cette attractivié est freinée par plusieurs obstacles. Cette enquête, ainsi que vos nombreux témoignages, nous ont permis de mettre en exergue les principales difficultés rencontrées par les personnes envisageant un retour, les poussant parfois même à choisir de ne plus rentrer ou de choisir un pays tiers pour s’établir. Les trois principales difficultés semblent concerner le logement (51%), l’inscription à l’Assurance maladie (47%) et l’emploi (42%). Ces problématiques sont souvent liées : sans emploi, il est difficile de trouver un logement, et sans logement et justificatif de domicile, il est presque impossible de répondre aux critères administratifs.

Une Europe qui protège et le défi du Brexit

Cette enquête nous a permis de noter de grandes différence entre les Français vivant dans l’Union Européenne ou en dehors de celle-ci, qu’il s’agisse de protection sociale, de rapports à l’administration française, bien entendu de fiscalité, mais aussi du retour en France. Vous êtes par exemple 36% à l’extérieur de l’UE à considérer un retour en France contre seulement 26% dans l’UE, à l’exception des Français de Grande-Bretagne qui sont eux 37% à envisager cette option. C’est donc un défi qui est lancé à notre pays. Les retours provoqués par le Brexit pourront être, s’ils sont accueillis habilement, une formidable opportunité d’intégrer nos talents venus d’outre-Manche. Il est donc grand temps pour la France de changer de paradigme et d’entrer enfin dans l’ère de la mobilité internationale.