Du 25 au 29 juin 2025, j’ai eu l’honneur d’accompagner la Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, dans le cadre de sa visite officielle en Chine, à l’invitation de son homologue M. Zhao Leji, Président de l’Assemblée nationale populaire.
Cette mission parlementaire s’est déroulée à Pékin et à Shanghai. Elle a permis de renforcer le dialogue bilatéral entre nos deux institutions, de conforter les échanges parlementaires et de soutenir les coopérations franco-chinoises dans plusieurs domaines clés : économie, santé, vieillissement, commerce international, transition écologique ou encore intelligence artificielle.
Durant cette visite, j’ai notamment participé aux travaux de la Grande Commission franco-chinoise, où j’ai pris la parole sur les enjeux liés aux relations économiques et commerciales internationales. Des thématiques d’intérêt stratégique ont été abordées dans un climat de respect mutuel et de recherche de coopération.
Au-delà des séquences institutionnelles, cette visite a permis de nombreux échanges avec la communauté française, les entreprises implantées en Chine, les élèves et enseignants du Lycée français de Shanghai, ainsi qu’avec des acteurs de la scène culturelle.
Je tiens à saluer l’engagement de notre réseau diplomatique, consulaire et éducatif en Chine, qui œuvre avec compétence au service de nos compatriotes et de la présence française dans ce pays.
Dans le cadre de la 12e session de la Grande commission France-Chine, il m'a été demandé de faire un discours sur le thème de la guerre commerciale.
Retrouvez ici mon intervention dans son intégralité :
Monsieur le Président du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire,
Madame la Présidente de l’Assemblée nationale,
Madame et monsieur les vice-présidents,
Messieurs les présidents du groupe d’amitié,
Chers collègues et amis,
Je vous remercie sincèrement de m’accorder cette occasion d’échanger sur un sujet aussi crucial et délicat que celui que l’on appelle parfois, un peu hâtivement, la « guerre commerciale ».
Dans les mots que nous choisissons, il y a déjà une vision du monde. Et c’est précisément ici que commence ma réflexion. Je rejette le mot « guerre ». Ce mot nous éloigne du dialogue. Il installe la peur là où nous devrions chercher la compréhension. Il suppose un affrontement là où nous devrions construire un équilibre. Nous ne sommes pas en guerre, tout simplement parce que nous ne sommes pas des ennemis. Ni rivaux systémiques, ni adversaires historiques. Nous sommes deux nations aux trajectoires singulières, mais unies par une ambition commune : celle de garantir à nos peuples la paix, la dignité, et la prospérité.
Je veux vous le dire avec clarté et respect : ce qui relie la France et la Chine est bien plus fort que ce qui pourrait les opposer.
Vous êtes une grande puissance. Nous aussi.
Vous êtes membres permanents du Conseil de sécurité. Nous aussi.
Vous avez à cœur de protéger votre population, d’assurer à vos enfants un avenir maîtrisé, une vie digne, et un environnement préservé. Nous aussi.
Vous misez sur l’innovation technologique, sur la montée en gamme industrielle, sur une stratégie d’indépendance. Nous aussi.
Vous avez lancé le projet « Made in China 2025 ». Nous avons engagé le plan « France 2030 ». Deux projets de transformation, tournés vers le futur, qui doivent nous inciter à coopérer, pas à nous confronter.
Vous êtes un peuple résilient et déterminé, comme le rappelle votre Histoire, de la Longue Marche à vos réformes récentes. Nous sommes nous aussi portés par une histoire faite de luttes, d’efforts et de renouveau, comme l’a montré la Libération de Paris ou la reconstruction de l’après-guerre. Ces expériences forgent des Nations qui se comprennent. Ce sont là des convergences puissantes.
La France ne craint pas la montée en puissance de la Chine. Elle la salue, dès lors qu’elle se fait dans le respect des règles, au service de votre peuple, et non au détriment d’autres. La prospérité d’un grand pays ne devrait jamais être fondée sur l’affaiblissement d’un autre. Car dès que l’agressivité monte, dès que des mesures unilatérales surgissent, dès que des barrières s’élèvent, telles une nouvelle Grande Muraille entre nos économies, alors oui, nous risquons de manquer notre objectif commun : faire du commerce un outil de paix, et non de division.
Nous entrons alors dans une spirale où les tensions nourrissent l’instabilité, où les réactions deviennent défensives, où les chaînes de valeur, les vôtres comme les nôtres, se grippent, se fragmentent, se délocalisent. Ce sont nos entreprises, nos ouvriers, nos chercheurs, nos agriculteurs, ce sont nos citoyens qui en paient le prix. Et dans un monde encore marqué par les chocs sanitaires, énergétiques et géopolitiques récents, nous ne pouvons pas nous permettre de rajouter une crise à la crise.
C’est pourquoi nous plaidons pour une vision plus lucide et structurée, une justice commerciale. Le commerce ne doit pas être un champ de rivalités permanentes, mais un espace d'organisation rationnelle, fondé sur des règles claires, sur la prévisibilité, sur la transparence.
Non pour contraindre, mais pour construire la confiance.
Non pour exclure, mais pour encourager les partenariats durables.
C’est cette philosophie que nous souhaitons voir guider nos relations économiques avec la Chine. Nous ne vous demandons pas l’alignement, ni l’abandon de votre vision. Nous demandons la réciprocité, l’ouverture, la loyauté. La France est ferme sur ses principes, mais elle est toujours prête à la complémentarité, dès lors que celle-ci est équilibrée.
Il existe tant de domaines où nos deux pays peuvent coopérer : l’énergie, la santé, la transition climatique, les technologies propres, l’agriculture durable, l’intelligence artificielle, la culture scientifique. Nos économies ont des forces différentes mais compatibles. C’est là toute la richesse d’un partenariat.
Et je veux aussi le dire avec franchise : la France ne souhaite pas devenir le dommage collatéral d’une confrontation sino-américaine. Elle refuse toute logique de blocs. Elle refuse de choisir entre dépendance et soumission. Elle choisit l’autonomie, la souveraineté, la coopération équilibrée. Nous souhaitons faire entendre, avec nos partenaires européens, une voix indépendante, capable de bâtir des ponts là où d’autres élèvent des murs.
C’est pourquoi des droits de douane élevés pourraient détériorer les perspectives de croissance de l’économie mondiale. Ce n’est dans l’intérêt de personne. Nous refusons donc toute guerre commerciale. Nous avons, vous et nous, une responsabilité particulière. En tant que grandes puissances économiques, nous devons montrer l’exemple. Construire un système commercial mondial stable, équitable, et prévisible, où la compétition ne dégénère pas en affrontement, et où les règles ne se réécrivent pas selon le rapport de forces du moment.
Un proverbe chinois dit : « transformer les armes en jade et en soie ». C’est ce chemin de sagesse que je vous propose d’emprunter ensemble.
Défendons nos intérêts, oui, mais n’oublions jamais le bien commun.
Respectons nos différences, mais cultivons nos complémentarités. Car ce n’est pas en fermant les portes que l’on bâtit des ponts.
C’est en ouvrant le dialogue que l’on construit la paix.
Je vous remercie de votre écoute.