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LFI veut mettre l’Europe au service de la Chine

Dans le journal Le Point, j'ai mis en garde contre l’alignement de La France insoumise sur Pékin, après un rapport présenté par la députée Sophia Chikirou.

Il est des rapports parlementaires dont la prétention à la neutralité force l'inquiétude. Celui présenté récemment par la députée Sophia Chikirou, au nom de La France Insoumise, sur les relations entre l'Union européenne et la Chine, s'affiche comme dégagé de toute idéologie. Pourtant, il épouse sans réserve le narratif stratégique de Pékin, au risque de fragiliser notre souveraineté.

Reconnaissons la complexité : la Chine est tout à la fois un partenaire commercial indispensable, un compétiteur acharné, et un rival systémique sur le plan géopolitique et technologique. Coopérer est non seulement possible, mais nécessaire : aucun enjeu mondial, qu'il s'agisse du climat, de la santé, ou de la stabilité internationale ne saurait être traité sans dialogue avec Pékin. Mais cette coopération ne peut être inconditionnelle. Elle doit reposer sur une réciprocité stricte, sur la transparence des engagements, et sur le respect des valeurs fondamentales de l'Europe.

Ce rapport ne se contente pas d'un diagnostic déséquilibré : il défend des propositions qui relèvent de l'alignement stratégique avec la Chine, et menacent directement la souveraineté de la France et de l'Europe.

Parmi les propositions les plus préoccupantes de ce rapport figure d'abord la volonté de relancer un accord global sur les investissements, le fameux CAI, pourtant gelé à juste titre par les institutions européennes après les sanctions imposées par Pékin à des députés européens. Cette relance serait envisagée sans la moindre exigence de réciprocité ni la moindre garantie solide. À cela s'ajoute la promotion de coentreprises industrielles dans des secteurs stratégiques, présentées comme un levier pour préserver l'emploi local, mais qui risqueraient en réalité de faciliter un transfert massif de technologies sensibles au profit de la Chine.

Le texte suggère encore de revoir la stratégie Indopacifique de l'Union européenne afin d'y intégrer la Chine, oubliant que cette stratégie a précisément été pensée pour ne pas laisser la région être déséquilibrée par la montée en puissance de l'empire du Milieu et renforcer nos partenariats avec des alliés démocratiques tels que le Japon, la Corée du Sud, l'Inde ou l'Australie. Il ose même soutenir l'idée de créer une agence onusienne de supervision du numérique, copilotée par la Chine ; une initiative qui, sous couvert de multilatéralisme, reviendrait à confier à un régime autoritaire un droit de regard sur les infrastructures numériques stratégiques de nos sociétés ouvertes. Enfin, il va jusqu'à évoquer l'émergence d'une monnaie mondiale commune, projet qui ne pourrait que compromettre l'autonomie financière européenne.

Ces idées ne sont pas seulement imprudentes : elles traduisent une fascination mal assumée pour un modèle autoritaire, et franchissent des lignes rouges.