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Il est temps que la Russie rentre chez elle !

23 novembre, 2022

Ces dernières semaines, il y a comme une « petite musique » qui monte pour remettre en cause le soutien de la France et de l’Europe à l’Ukraine, notamment en poussant les Ukrainiens à négocier.

Dans un « Point de vue » diffusé à la presse, j’essaie de répondre à la question qui devient de plus en plus pressante à savoir : le moment de négocier est-il venu?  Pour moi, la réponse est claire. Je pose comme condition préalable à toute ouverture pour des pourparlers de paix le respect plein et entier par la Fédération de Russie de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

 

La résilience des opinions publiques

Alors, bien sûr, face à l’inflation, face à la guerre énergétique dans laquelle nous a plongés la Russie, il faut se montrer résilient. A ce titre, on peut comprendre les familles les plus modestes qui malgré le bouclier tarifaire ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts et peuvent s’interroger sur notre soutien à l’Ukraine. En la matière, il faudra sans doute aller plus loin pour soutenir les plus fragiles et continuer à convaincre que soutenir l’Ukraine, c’est soutenir la liberté, la démocratie et in fine les peuples européens. L’acte de résistance du peuple ukrainien à l’agression russe avec notre soutien, ce n’est rien de moins que la capacité du « monde libre » à faire face au régime autocratique de M. Poutine.

Cette « petite musique » qui revient chez bon nombre de décideurs, d’experts ou de commentateurs, c’est l’idée qu’il est temps maintenant que l’Ukraine entame des négociations et que les dirigeants ukrainiens fassent des concessions. Comment ne pas être perplexe par rapport à cette vision des choses ? Au regard de la situation actuelle, qu’y a-t-il à négocier pour les Ukrainiens ?

 

Ne pas confondre la victime et le bourreau

L’Ukraine fait face à une guerre d’invasion de son territoire avec des méthodes que l’on croyait d’un autre temps. Bombardements lourds civils et militaires, privation d’électricité, d’eau et de chauffage, viols de masse, charniers, etc. Tous les jours des civils meurent, des femmes, des enfants, des personnes âgées. Ce qui se passe en Ukraine, c’est une guerre totale. Confortablement installés sur les plateaux des chaînes d’infos en continu, trop se laissent aller à des commentaires indignes.

Alors que son armée résiste et reprend du terrain sur son envahisseur, l’Ukraine va droit vers une crise humanitaire majeure. Au quotidien, elle paie un lourd tribut pour sa liberté. Rappelons ici que la bataille pour l’Ukraine n’a pas commencé il y a 8 mois mais il y a plus de 8 ans avec l’annexion de la Crimée et l’établissement de régimes fantoches du Kremlin dans le Donbass. Depuis l’invasion à grande échelle du 24 février 2022,  la Fédération de Russie la bombarde, terrorise sa population, annexe ses territoires, détruit ses infrastructures. L’Ukraine n’a d’autre choix que de faire front et c’est ce que sont en train de faire les Ukrainiens avec une détermination, un courage et une résilience admirables !

 

On ne transige pas avec le droit

Il serait tout à fait inopportun de mettre la pression sur ses dirigeants pour qu’ils négocient dans ces conditions. Si personne ne peut souhaiter la prolongation de cette guerre, les négociations ne pourront commencer que lorsque les Russes se seront retirés des territoires annexés. Seul le retour aux frontières telles que définies en décembre 1991 pourra être un préalable à des négociations pour garantir la paix entre les deux pays. Cela est souvent dit par les pays soutiens de l’Ukraine, dont la France mais cela doit valoir aussi pour la Fédération de Russie.

Rappelons que la Russie a reconnu ses frontières avec l’Ukraine à plusieurs reprises. Le 8 décembre 1991, la Russie, l’Ukraine et le Belarus ont signé l’accord fondateur de la Communauté des Etats indépendants (CEI) en se présentant comme États souverains. Selon l’article 5 de ce texte, les parties « reconnaissent et respectent l’intégralité territoriale de chacune ainsi que l’inviolabilité des frontières existantes au sein de la Communauté ». En 1997, au sein du Traité d’amitié signé entre la Russie et l’Ukraine, ces frontières ont été de nouveau reconnues par la Russie. Son article 2 dispose que les « parties contractantes respecteront l’intégrité territoriale de chacune et reconnaîtront l’inviolabilité des frontières existant entre elles ». Le 28 janvier 2003, la Russie et l’Ukraine ont également signé un traité portant sur leur frontière commune. Selon son préambule, l’accord répondait à « la nécessité de régler des questions concernant le tracé de la frontière dans le but de renforcer davantage les relations d’amitié et de bon voisinage entre les peuples ukrainiens et russes ». Cet accord bilatéral a été enregistré auprès des Nations unies en 2016. Dans le fameux Mémorandum de Budapest du 5 décembre 1994 agité par la propagande russe, il est écrit dans son article 1, les signataires, donc la Russie, « s’accordent à respecter l’indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l’Ukraine ». Dans l’article suivant, ils s’accordent également à « s’abstenir de recourir à la menace ou à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine ».

 

L’intérêt de la France à long terme

Au regard du droit international, la situation est donc limpide. La position de la France doit être tout aussi claire. Il est absolument nécessaire que la Fédération de Russie respecte pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine avant toute ouverture pour des négociations de paix. Cette condition n’est pas déraisonnable. Elle est la raison d’être de notre soutien à l’Ukraine : le respect de l’ordre international, de la souveraineté des Etats et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Il est temps que la Russie rentre chez elle. Elle a déjà subi de lourdes pertes, elle ne parvient plus à contrôler la ligne de front, elle n’est pas parvenue à disloquer le « bloc occidental », son économie est entrée en récession, les mères russes supplient de ne pas revoir leurs fils transformés en chair à canon. Face à elle, le peuple ukrainien ne reculera plus car ils savent la victoire militaire longue, douloureuse mais possible. Le retour de l’Ukraine aux frontières internationalement reconnues de 1991 est l’objectif assumé de l’armée ukrainienne. Elle bénéficie du soutien total des citoyens, dont seulement 8 % sont prêts à céder des territoires en échange de la paix.

In fine, l’intérêt de la France, de l’Europe et des démocraties, c’est que Poutine subisse une lourde défaite et que la Russie et tout autre pays soient dissuadés d’agresser un Etat en violation des règles de droit international. La finalité, c’est aussi de réduire la capacité de nuisance du régime de Poutine à l’égard des intérêts français, en particulier en Afrique.

Carl Von Clausewitz nous enseignait que la guerre est « un acte de violence physique destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Négocier les limites territoriales de l’Ukraine serait la reconnaissance de la défaite des Ukrainiens, et donc des démocraties, et c’est offrir une victoire triomphale au Président Poutine. L’enjeu est là. Ce n’est pas un péché d’orgueil, c’est savoir dans quel monde nous voulons vivre. Mon choix est fait. C’est l’honneur et l’avenir de la France de faire le bon.

 

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