Ce mercredi 23 février 2022, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité ma proposition de résolution « portant sur la dénonciation des faits et conséquences du coup d’État militaire du 1er février 2021 en Birmanie ».
Cosigné par 500 députés de tous les groupes politiques, ce texte représente l’aboutissement d’un travail non partisan au service d’objectifs communs : mettre en lumière, dénoncer, condamner les exactions menées par la Junte militaire en Birmanie… jusqu’à ce qu’elles cessent.
Mon intervention à l’Assemblée nationale
Pourquoi une proposition de résolution?
Dans un article publié en 2019, j’avais déjà eu l’occasion de rappeler le rôle et l’utilité des propositions de résolution pour les parlementaires.
Ce qui se passe en Birmanie est malheureusement encore trop mal connu de nos compatriotes de France. Le sujet ne suscite pas le même intérêt des politiques et des journalistes que d’autres sujets internationaux, qui ont rythmé le débat public durant l’année 2021. Mais cette situation doit nous intéresser. Elle doit nous interpeller.
Ce qui se passe en Birmanie, c’est d’abord un drame humain qui a fait de nombreuses victimes. C’est aussi un drame démocratique. Après des décennies de dictature militaire, la Birmanie connaissait depuis 2010 le début d’un processus démocratique ; un peuple, les Birmans, qui ont massivement participé aux élections générales du 8 novembre 2020 pour donner une majorité à la Ligue nationale pour la démocratie, le parti dirigé par Aung San Suu Kyi ; et une armée, les forces de sécurité birmanes, censée garantir la sécurité et la sûreté du peuple birman, qui a préféré reprendre le pouvoir le 1er février 2021, dès l’instant où elle a eu le sentiment que celui-ci lui échapperait.
Depuis ce coup d’Etat, la situation n’a cessé de se détériorer. Très vite, la junte n’a pas hésité à recourir à la violence de manière indiscriminé, allant jusqu’à faire tirer à balles réelles afin d’étouffer les revendications de la population. En l’absence de résolution pacifique, la guerre civile s’est installée, avec des conséquences humanitaires, politiques et économiques catastrophiques. Selon les derniers décomptes d’ONG internationales, le bilan humain dépasserait les 1 100 morts (dont de très jeunes enfants) et 9 000 arrestations.
J’ai déposé plusieurs projets de résolution dont le premier en mai 2021 . Mais il fallait un texte qui fasse consensus. Un an plus tard, le 1er février 2022, date d’anniversaire du coup d’Etat, je tenais à ce que soit déposée une proposition de résolution qui évoquait tout cela. Je considérais en effet que notre Assemblée nationale était pleinement légitime pour exprimer sa pleine solidarité aux birmans, ainsi qu’à leurs représentants démocratiquement élus en exil ; mais aussi pour condamner sans équivoque les exactions des forces armées. Il nous fallait adresser un geste de fraternité et d’autorité bienvenu. Mais aussi traîner la Junte birmane hors de l’ombre où elle souhaiterait tant rester terrée.
Un travail qui se devait d’être transpartisan
Cette PPR, je ne l’ai pas écrit seule.
Elle a d’abord été le fruit de nombreuses auditions : du Quai d’Orsay, avec notamment notre ambassadeur de France en Birmanie, Christian Lechervy, qui fait un travail exemplaire ; de représentants de la société civile birmane ; de représentants de la communauté birmane de France ; de représentants du Comité représentant l’Assemblée de l’Union (CRPH), dirigé par des parlementaires élus lors des élections générales de 2020CRPH ; ou encore des membres du gouvernement d’unité nationale (NUG), qui comprend des parlementaires élus, des membres de groupes ou partis ethniques et les principaux représentants des manifestations anti-coup.
Elle représente aussi l’aboutissement d’un travail commun avec mon collègue, le député LR Michel Herbillon, membre comme moi de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée ; ainsi qu’avec mon autre collègue, le député PS Alain David, président du groupe d’amitié France-Birmanie. Nous avions tous les trois à cœur de proposer une PPR « réaliste », tant sur le plan juridique qu’opérationnel – au sens où elle ne porterait pas des demandes irréalistes.
Elle incarne, enfin, une volonté de dépassement, au sens où nous avons tenu à prendre en compte les retours de nos collègues des autres groupes politique, chaque fois que c’était possible.
Que prévoit-elle?
Par ce texte, l’Assemblée nationale :
1° Condamne avec la plus grande fermeté le coup d’État perpétré par l’armée birmane le 1er février 2021, sa prise de pouvoir consécutive à celui ci, ainsi que l’ampleur et l’impunité de ses exactions.
2° Exprime son soutien total à la population birmane dans sa lutte pacifique et légitime pour la démocratie, les libertés et le plein respect des droits humains.
3° Appelle à soutenir les représentants légitimement élus du peuple birman, attachés à l’instauration d’un État libre et démocratique en Birmanie.
4 °Appelle à ce que le Conseil d’administration de l’État (SAC) et les institutions en découlant ne soient pas reconnus par la France, l’Union européenne et les organisations internationales comme des représentants légitimes de la Birmanie et du peuple birman.
5° Invite le Gouvernement à appeler avec la plus grande fermeté au respect des résultats des élections générales du 8 novembre 2020, à la fin de l’état d’urgence et à la libération immédiate et sans condition des prisonniers politiques arrêtés depuis le coup d’État, dont le président de la République U Win Myint et la Conseillère pour l’État Daw Aung San Suu Kyi, et à entreprendre toutes les démarches en ce sens.
6° Invite la France à s’employer de manière déterminée, avec ses partenaires de l’Union européenne, de l’Association des nations d’Asie du sud‑est (ASEAN) et des Nations unies à promouvoir une sortie de crise pacifique, rapide et inclusive, reposant sur un processus de dialogue politique associant toutes les parties, notamment celles issues des élections générales du 8 novembre 2020, de la société civile, des partis politiques et des groupes ethniques.
7° Exprime son soutien à l’égard des efforts humanitaires conduits au profit des populations les plus vulnérables.
Dossier législatif