Les fausses informations, ou « fake news » sont un fléau. Elles trompent le citoyen, le consommateur, le patient, parfois le politique lui même. Mon rôle d’élue n’est bien entendu pas de définir ce qui est faux et ce qui est vrai, ce qui doit être dit et ce qui doit rester tu. Mais le rôle du législateur que je suis est aussi de garantir un cadre propice au bon exercice de la liberté d’expression, qui est l’un des fondements de notre démocratie.
Je vous invite à visionner l’intervention d’Antonio Casilli, sociologue spécialisé dans les réseaux sociaux, qui nous donne son regard sur les tenants et les aboutissants de la propagation de fausses informations.
Pourquoi écrit-on des fake news?
La femme politique que je suis aurait tendance à voir des intention politiques dans tout ce qui l’entoure et pourrait penser que si l’on crée et diffuse volontairement de fausses information, c’est avant tout pour des raisons politiques, pour déstabiliser un gouvernement, faire émerger un candidat, influencer un référendum. En réalité, Antonio Casilli, interviewé ici dans l’émission « L’instant M » de France Inter, parle lui d’« armées de l’ombres payées pour répandre de fausses nouvelles ». La raison serait pour lui avant tout commerciale. Les information sensationnelles, celles qui font appel à nos émotions, qui nous révoltent, nous effraient, nous amusent, sont bien plus partagées, lues, consommées, qu’elles soient vraies ou non. Et plus un contenu est visionné ou lu, plus il est rentable lorsqu’il est monétisé.
Selon lui, la création de fausses informations seraient un biais, une dérive du modèle économique de nombreux médias en ligne qui, contrairement aux médias traditionnels ayant une base de lecteurs ou auditeurs stable, sont dangereusement dépendant au clic et aux réseaux sociaux. Autrement dit, une grande partie des fausses informations diffusées sur le net n’auraient pas pour objectif de nous convaincre, mais juste de nous absorber pour nous faire consommer de la publicité.
Bots et fermes à clic
Toujours selon Antonio Casilli, la vitalité des fausses informations ne seraient pas le simple fait de bots (robots informatiques) de pays ennemis, mais principalement de vrais comptes, de vraies personnes, stimulées par le caractère tantôt anxiogène, tantôt faussement rocambolesque de scoops qui n’en sont pas.
Malgré tout, il ne faut pas nier le travail de certaines agences, qu’Antonio Casilli identifie comme étant basées à l’étranger, et qui oeuvrent à faire gonfler certaines tendances. Ces agences agissent soit à l’aide de robots informatiques capables de partager automatiquement et massivement des posts contenant certains mots clé, soit via des « fermes à clic ». Ces salles remplies de téléphones branchés en batterie et dans lesquelles des salariés sous-payés « aiment » et partagent des contenus sur commande contre rétribution sont souvent situées en Asie.
Quelles solutions?
Comme cela est dit dans l’émission ci dessus, il est difficile de légiférer sur la question des fake news tant elle dépasse les frontières et interroge notre liberté d’expression. L’anonymat attaché la plupart du temps à la création de fausses informations complique encore la tâche. Mais au delà de la loi, nous avons tous un rôle à jouer pour lutter contre la désinformation sur Internet.
L’école, mais aussi les journalistes ont un rôle à jouer dans l’éducation à la lecture de l’information, voir parfois dans le rétablissement de la vérité. La défiance dans nos médias me paraît souvent injustifiée. Même s’il arrive à des journalistes de faire des erreurs ou d’apporter de mauvaises informations, il s’agit presque toujours de négligence et non d’une volonté délibérée de tromper.
Certains médias, comme Le Monde et sa rubrique « Les décodeurs », se sont donnés pour mission de tordre le cou à certaines fake news et à en expliquer la genèse. Nous devons encourager ce genre d’initiatives.
Mais les médias ne peuvent pas tout. Nous avons tous, citoyens, un rôle à jouer contre la propagation de fausses nouvelles. Alors dans cette jungle informationnelle, comment faire la part du vrai et du faux? Il est essentiel de respecter certaines règles:
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Méfiez-vous du sensationnel. Les titres accrocheurs ou dérangeants, les vidéos qu’ils faut voir absolument avant qu’elles soient censurées, les informations que vous ne verrez nulle part ailleurs car « on » chercherait à tout prix à vous les cacher sont autant de techniques pour attirer l’attention du lecteur et générer un maximum de trafic.
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Le vocabulaire employé peut également être un indicateur. L’utilisation d’un vocabulaire familier, voir vulgaire, n’est pas courant chez les journalistes, YouTubeurs ou blogueurs aguerris, quelles que soient leurs opinions politiques.
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Vérifier les photos. Elles viennent souvent comme élément de preuve imparable. Lorsqu’elles sont sensationnelles, elles jouent également un rôle d’accroche. Seulement, les photos illustrant de fausses informations sont bien souvent des photos extraites du Web et sorties de leur contexte. Un outil simple existe pour vérifier la provenance d’une photo: le moteur de recherche d’images inversé de Google. Vous pourrez y déposer une image préalablement téléchargée d’un article pour vérifier sur quels sites elle a été publiée auparavant. Cette technique marche également pour démasquer les faux comptes sur les réseaux sociaux via leur photo de profil.
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Enfin, jetez un oeil aux profils qui diffusent les informations que vous lisez. Les profils récents, qui ont peu d’ « amis », qui affichent une photo de profil anonyme ou téléchargée sur Google ou qui partagent massivement des posts portant les mêmes mots clé sont généralement peu fiables. Arrêtez vous également sur leurs noms. Les pseudonymes, tels que « AmiDesBetes3175 » portant des concepts et des numéros sont souvent les éléments de fermes à clic. Amusez-vous à rechercher le même pseudonyme avec d’autres numéros. Vous aurez parfois quelques surprises…
Enfin, les géants du net tels que Twitter et Facebook ont également une responsabilité et un rôle à jouer. Même si selon Antonio Casilli « les plateformes sont agnostiques du point de vue du contenu », elles ont des moyens à leur disposition pour lutter contre certains contenus indésirables. Alors que Facebook a par exemple fait d’énormes efforts pour lutter contre la pornographie ou la diffusion d’images violentes, la plateforme serait parfaitement capable de s’attaquer plus férocement à la diffusion de posts incitant à la haine et aux fausses informations susceptibles d’altérer le vivre ensemble et le climat social d’un pays, voire d’influer un scrutin.
Bonjour Madame Genetet Merci pour ces précieux conseils contre la manipulation et la propagation des fake news. Il est insupportable de voir toutes ces horreurs véhiculées sur les réseaux sociaux. Chaque citoyen doit pouvoir se défendre face à cette menace. Malheureusement la recherche d’image inversée de Google ne fonctionne pas sur les smartphones. Ce qui pose quelques problèmes notamment quand on sait le temps passé chaque jour par les jeunes adultes sur ce type d’appareil. Voilà une technique pour passer outre ce blocage : http://www.prodigemobile.com/tutoriel/recherche-image-inversee-mobile/ Cette dernière me semble plus fiable que celle proposée dans votre lien. Je préfère utiliser… Lire la suite »