Le 26 avril 2019, le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a prononcé un discours à Pékin à l’occasion du second forum sur les nouvelles routes de la soie. Il y rappelle son attachement et celui de la France au multilatéralisme. Il salue les vertus du déploiement des nouvelles routes de la soie, qui devraient répondre en partie au déficit d’infrastructures dont souffre l’Asie. Mais il met en garde sur la nécessité de partenariats soutenables, tant au point de vue social que fiscal et environnemental. Enfin, il rappelle la nécessite d’inscrire ces échanges dans le respect du droit international.
Vous pouvez relire ce discours:
» Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Le développement de la mondialisation et la mise en place au lendemain des deux terribles guerres mondiales d’un système multilatéral plus efficace que tous les précédents, ont ouvert une phase de prospérité et de liberté inédites et permis une expansion pacifique du commerce international. En quelques décennies, des centaines de millions d’êtres humains sont sortis de la pauvreté et les deux parties d’un monde divisé par la guerre froide, se sont enfin rapprochées.
Ces progrès sont incontestables, le reconnaître ce n’est pas pour autant nous voiler les yeux. Les rapports de puissance conçus au milieu du 20e siècle ont évolué, la mondialisation a aussi engendré des déséquilibres. Déséquilibres à l’échelle planétaire, certaines régions retirant d’importants bénéfices de ces évolutions, tandis que d’autres se trouvent laissées pour compte. Déséquilibres au sein de nos sociétés, où des inégalités considérables se sont installées. Déséquilibres environnementaux, manifestés par des catastrophes trop longtemps ignorées.
C’est ce double constat que nous devons garder à l’esprit, pour répondre au défi du développement d’aujourd’hui. Ensemble, nous devons agir pour une mondialisation plus juste, une mondialisation qui profite à tous. Je dis bien ensemble, car il n’y a qu’en renforçant les bases de notre coopération que nous pourrons y parvenir. Sans ouverture réciproque, sans renforcement de la connectivité, nous ne saurions construire la prospérité mieux partagée à laquelle nous aspirons. Et devant l’ampleur de la tâche à accomplir, le repli sur soi, les efforts isolés ne peuvent être que des impasses.
Ce deuxième forum de coopération internationale sur l’initiative chinoise «une ceinture – une route» est l’occasion de réfléchir aux voies et moyens d’agir ensemble, pour faire face à ces défis qui engagent notre présent mais aussi notre avenir.
L’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie sera essentielle pour répondre au déficit d’infrastructures en Asie qui, selon la Banque asiatique de développement, a un déficit d’infrastructures important qui s’élèvera d’ici 2030 à 26 milliards de dollars.
Au nom du président Macron, je suis venu porter ici un message clair : celui que nous avons tout à gagner à unir nos forces.
Vous le savez, la connectivité est au coeur du projet politique européen. La quadruple liberté de circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes, a toujours été pour nous un principe moteur. Dans ce continent qui est désormais le plus interconnecté, le plus ouvert du monde, la stratégie eurasiatique en matière de connectivité publiée à l’automne 2018, vise précisément à renforcer encore davantage cette dynamique d’échanges en développant dans tous les domaines, transports, énergies, numérique et échanges humains, des projets concrets fondés sur la soutenabilité économique, sur la soutenabilité fiscale, sur la soutenabilité environnementale et sur la soutenabilité sociale.
Comme nous le faisons dans le cadre de l’ASEM, nous devons donc travailler à renforcer les synergies entre nos initiatives qui, vous le voyez, peuvent et doivent être complémentaires.
Le succès des projets que nous menons dépendra, je crois, de deux facteurs :
– D’abord de notre capacité à entendre les besoins des pays où ces projets seront développés, en mettant en place une démarche partenariale. L’enjeu de la connectivité c’est bien que les routes qui sont construites fonctionnent dans les deux sens. C’est d’ailleurs dans cette démarche que s’inscrivent les efforts de la France et de la Chine afin d’identifier des projets de coopération en pays tiers, et avec des pays tiers.
– Ensuite, ces succès dépendront de notre détermination à tenir nos engagements et les projets que nous menons doivent en être l’illustration concrète. Engagement pour l’ouverture, engagement pour la transparence, engagement pour une concurrence équitable, engagement aussi, bien entendu, pour la durabilité environnementale. C’est en mettant l’exigence climatique au coeur de notre coopération que nous avancerons dans la mise en oeuvre de l’Accord de Paris, auquel nous sommes très attachés. La production d’énergie renouvelable et la durabilité des infrastructures doivent donc rester pour nous des priorités. Les principes actuellement développés dans le cadre du G20 sur la qualité des infrastructures doivent nous permettre d’avancer sur ce sujet.
Ainsi conçus, nos projets de connectivité seront autant de témoignages de l’efficacité du multilatéralisme rénové et de l’utilité de la gouvernance mondiale renforcée que nous appelons de nos voeux. C’est le sens de la déclaration franco-chinoise que les présidents Xi Jinping et Emmanuel Macron ont adoptée le 26 mars dernier et qui engage nos pays à développer avec leurs partenaires des initiatives concrètes pour renforcer le multilatéralisme, réformer les institutions existantes lorsque cela est nécessaire mais toujours, toujours inscrire nos actions dans un cadre fondé sur le droit international.
De fait, nombreuses sont les organisations qui ont élaboré des normes, des standards, ou des principes internationaux traitant de la soutenabilité financière et de l’inclusivité. Je pense à la Banque mondiale, au FMI, ou encore à l’OCDE. Mettons ces principes en oeuvre, illustrons-en la validité sur le terrain, nous lancerons ainsi un cercle vertueux car une telle approche, par les cadres de référence communs qu’elle contribuera à mettre en oeuvre, ne pourra que favoriser la synergie entre les initiatives.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes à la croisée des chemins. Jamais sans doute notre monde n’a été aussi interdépendant. Et jamais cependant le système multilatéral et la mondialisation n’ont suscité autant de critiques. Et face à la tentation du cavalier seul, face à la tentation du rapport de force, agissons ensemble pour démontrer, dans les faits, que la coopération rapporte plus que la confrontation.
Je vous remercie./. »