Jeudi 2 avril était la journée mondiale de l’autisme, l’occasion pour Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, de présenter un premier bilan du plan autisme mais aussi d’annoncer le lancement de la plateforme Autisme Info Service, outil essentiel et très attendu d’information aux familles trop souvent livrées à elles-mêmes, croisant parfois la route d’incompétents ou de charlatans, et dont les enfants se retrouvent piégés dans un retard diagnostic qui leur est profondément préjudiciable. La Ministre a souligné combien une prise en charge précoce s’impose et doit remettre la psychiatrie à sa juste place, c’est-à-dire ne plus être exclusive mais complémentaire d’une approche pluridisciplinaire. Le monde de la psychiatrie s’est alors élevé contre ces propos jugés « excessifs ». Pourtant, il y a urgence à appréhender l’autisme autrement.
Un gouvernement qui passe à l’action !
Car la France accumule des décennies de retard dans le diagnostic et le traitement des personnes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA). Sans doute parce que ce handicap social qui affecte la relation à l’autre était considéré comme un désordre mental dans lequel beaucoup voyaient, à tort, une pathologie de la relation parent-enfant. Sans doute aussi parce que les recommandations de la Haute autorité de santé pourtant en vigueur depuis 2012 n’étaient pas suivies par les centres médico-psychologiques. Et certainement aussi parce que les coûts de prises en charge alternatives à la psychiatrie et la psychanalyse étaient prohibitifs. D’ailleurs, durant la présidentielle de 2017, plusieurs associations dont SOS Autisme France et Sésame Autisme avaient alerté les politiques sur l’urgence d’un changement de vision radical ! Aujourd’hui, ce changement est enfin acté : forfait d’intervention précoce, approche pluridisciplinaire, implication des parents, le gouvernement met tout en œuvre pour que « plus un seul enfant autiste ne soit laissé sur le bord de la route »[i]
Et alors à l’international ?
Dans ce contexte, la réaction de mes confrères psychiatres m’a quelque peu surprise. Car vivant à l’étranger depuis plus de 10 ans, j’observe comment l’autisme y est traité avec infiniment plus d’humanité. Dans de nombreux pays, les États-Unis, l’Espagne, Israël, Singapour, l’Australie et bien d’autres, le diagnostic puis le suivi thérapeutique sont l’apanage d’une équipe pluridisciplinaire. L’autisme y est pleinement reconnu comme une perturbation du neurodéveloppement qui affecte les interactions sociales et la capacité à communiquer. C’est pourquoi ensemble et de manière coordonnée, pédiatre, orthophoniste, ergothérapeute, psychologue et éventuellement d’autres thérapeutes parmi lesquels le psychiatre a aussi un rôle à jouer mais parmi et avec d’autres professionnels dûment formés, accompagnent l’enfant et ses parents. Qu’elles s’appellent PACT[ii] ou ESDM[iii] ou autre, de nombreuses méthodes psycho-éducatives et d’apprentissage ont fait leurs preuves partout dans le monde. Alors pourquoi pas en France ?
Le dépistage précoce et la recherche : la clé de l’avenir de ces enfants !
Après tant d’années d’obstination à centrer notre approche de ce trouble sur la psychiatrie ou la psychanalyse, nous devons une bonne fois pour toutes balayer cette théorie selon laquelle la mère était la responsable, théorie qui bien que réfutée a continué de hanter la conscience collective jusqu’encore récemment. La mère ne doit plus être culpabilisée, les compétences de l’enfant doivent être recherchées et stimulées et ses talents valorisés. Et ceci le plus tôt possible, dès l’âge de 18 mois La psychiatrie ne sera pas laissée de côté mais elle en sera un outil parmi d’autres. Nous avons tous à y gagner : enfants bien sûr, mais aussi parents, collectivités et finalement, notre société toute entière ! La recherche est fort heureusement conviée et s’organise : tous les grands acteurs répondent présents dans toutes les disciplines : biologie, imagerie, génétique, psychologie, sciences sociales, sciences cognitives.
Ensemble, nous relèverons le défi de l’autisme
Selon l’INSERM environ 700.000 personnes sont concernées par les TSA, soit plus de 1% de notre population. Concrètement, cela veut dire que chacun d’entre nous dans sa famille, dans son entourage connaît au moins une personne touchée. L’heure n’est plus aux doutes, aux hésitations, aux polémiques mais à l’action collective. Arrêtons d’avoir peur des changements ! Le futur de nos jeunes est en jeu.
Aujourd’hui, je tiens donc à saluer et soutenir la vision de la Ministre Sophie Cluzel avec l’espoir qu’enfin notre pays rattrape son retard et offre une place digne et heureuse dans notre société à tous ceux dont je souhaite que l’autisme ne soit plus qu’un trait, un petit trait dans leur vie.
[i] Interview de Sophie Cluzel Le Journal du Dimanche 30 Mars 2019.
[ii] Preschool Autism Communication therapy développé dans les années 2000
[iii] ESDV Early Start Denver Model, approche par le jeu développée dans les années 2000