Chacun de mes déplacements est pour moi l’occasion de mieux connaitre une communauté française, sa vie sur place, ses attentes, ses initiatives, ses projets. C’est en Inde que je me suis rendue du 9 au 12 novembre derniers et plus précisément à Bangalore et Pondichéry. L’Inde m’est toujours apparue un pays particulier pour l’imaginaire qu’il renvoie et pour la richesse de sa culture. Deux langues officielles et vingt-deux langues constitutionnelles, ce n’est pas si commun! Je suis donc venue voir si, comme le soulignait la romancière Ruth Prawer Jhabvala, « L’Inde change toujours les gens ».
Je tiens avant tout à remercier Monsieur François Gauthier, consul général de Bangalore, qui m’a chaleureusement accueillie. L’Inde est un pays stratégique pour la France. Emmanuel Macron ne s’y est pas trompé en recevant dès les premiers jours de son quinquennat le premier ministre M. Narendra Modi. Louant longuement «un partenariat qui va s’intensifier» entre les deux pays, tant sur le plan industriel, culturel qu’éducatif, le Président français a appelé le chef de gouvernement indien à continuer d’associer leurs efforts «dans la lutte contre le terrorisme, et dans la lutte commune pour le climat.»
À Bangalore d’abord,la communauté française est en croissance régulière et compte aujourd’hui 800 Français. La première étape de ce voyage a été la visite de l’Alliance Française accompagnée du Consul général Monsieur François Gauthier et de son directeur Philippe Libersa. L’Alliance bénéficie d’un bâtiment magnifique entouré d’un jardin luxuriant, un ensemble historique magnifique. Près de 3500 étudiants y sont accueillis chaque année et l’augmentation de 38 % des certifications de langue française illustre la bonne santé de l’institution. Les Alliances Françaises sont aussi les coordinateurs de la manifestation culturelleBonjour India, programme de développement et d’échanges culturels entre nos deux pays (https://www.bonjour-india.in/), qui a été inaugurée le 18 novembre en présence de Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Ce sont plus de cent projets dans 33 villes différentes. Une belle plateforme pour le rayonnement culturel français.
J’ai eu par la suite l’opportunité d’évoquer le développement économique, le volontariat international et enfin la vie associative avec plusieurs de nos compatriotes installés à Bangalore.
Le développement économiqueet notamment les spécificités du marché indien et ses difficultés m’ont été exposés par la vice-présidente de la chambre de commerce franco-indienne de Bangalore, Madame Elisa Khetty ainsi que par Madame la Consule adjointe Elodie Texier et Monsieur Jérôme Bové, attaché scientifique et universitaire. Ce marché nécessite d’être très bien préparé, accompagné, d’avoir une solide assise financière qui permette d’attendre que l’activité s’installe ce qui peut parfois prendre plus d’une année.
Le thème du volontariat de solidarité internationalea été abordé sous l’angle du visa indien qui devient de plus en plus difficile à obtenir. Ce statut volontaire de solidarité internationale a remplacé les anciens coopérants depuis l’abandon du service militaire. Ce sont des jeunes dont les compétences et l’énergie sont mises au service de populations qui en ont besoin. Les jeunes que j’ai rencontrés travaillent pour l’émancipation des femmes, pour la mise en œuvre de projets d’assainissement ou encore dans des écoles de bidonvilles locaux. Leur utilité est indiscutable et il est inquiétant que leur venue soit de plus en plus difficile alors même que les VIE (volontaire international en entreprise) ne rencontrent pas ces difficultés. Il serait intéressant de savoir comment font les autres pays européens pour leurs propres volontaires. D’une manière générale, soucieuse de donner plus d’ampleur à la mobilité internationale des Français et particulièrement des jeunes, je compte lors de ce mandat soutenir à la fois l’accès et la reconnaissance de ces différents statuts.
Le thème de l’associatif était au cœur des discussions avec Bangalore Accueil dont la vocation est d’accueillir et de simplifier l’intégration des Français et des Francophones qui viennent s’installer à Bangalore (http://bangaloreaccueil.wixsite.com/bangaloreaccueil). Elle offre à ses adhérents des informations pratiques liées à l’installation sur place, propose de nombreuses activités culturelles, sportives, éducatives et ludiques. Cette association est membre de la FIAFE (Fédération Internationale des Accueils Français et francophones à l’Étranger), un réseau mondial de plus de 220 accueils présents dans 90 pays. Nos échanges nous ont permis d’esquisser de nouvelles idées comme l’organisation de webinarssur des thématiques intéressant les Français établis hors de France ou la mise à disposition d’un annuaire pour mettre en relation des Francophones sur la base de leurs compétences. Parmi mes dossiers prioritaires, je suis très attentive à celui de l’éducation. Alors que Bangalore est la ville qui aujourd’hui attire le plus de Français en Inde, elle n’a ni école ni lycée français. Néanmoins, il existe un groupe FLAM très actif que je tiens à saluer. Enfin, il y a un projet d’ouverture d’une section francophone dans une école internationale. Je suivrai ce dossier de très près.
Ma deuxième journée était consacrée à la présence économique française. Considérée commela Silicon Valley indienne, Bangalore est en plein boom et attire les entrepreneurs français depuis de nombreuses années et pas seulement dans le secteur de l’IT. Pour mieux en appréhender la réalité concrète, j’ai visité 3 entreprises fondées ou installées par des Français.
J’ai commencé par l’une des plus connues, Décathlon, installée à Bangalore en 2008 en(vente aux distributeurs) puis depuis 2013 en BtoC (vente de détail).Steve Dikes son directeur général m’a exposé ses méthodes de management interculturel: épatant, voire révolutionnaire! Chaque employé est responsabilisé, les valeurs du sport sont érigées en valeurs d’entreprise, éducation et développement sont portés dans le bassin démographique dans lequel le magasin est implanté (200 000 habitants pour le magasin de Bangalore), les acteurs de l’ensemble de la chaîne, production et distribution, sont formés, écoutés, soutenus. Cette stratégie se voit confirmée par une très faible rotation du personnel, ce qui est exceptionnel dans le contexte indien. Il y a aujourd’hui 52 magasins Décathlon répartis sur 32 villes alors qu’il n’y avait que deux magasins en 2013. 40 % des produits sont fabriqués en Inde. Enfin, grâce à un programme à destination des communautés locales, une centaine de sans-abris travaillent pour cette enseigne. Au final avec sa devise Make sport accessible to the many in India, Décathlon est un bel exemple d’une entreprise hexagonale qui a su s’intégrer et qui par un projet responsable participe au développement de l’Inde et de la France.
La deuxième entreprise était Mach’Aero (https://www.machaero.com) une très ancienne entreprise française, fondée à Brétigny-sur-Orge par Jean Malonda aujourd’hui proche de la retraite. Comme beaucoup d’entreprises, Mach’Aero est d’abord une aventure individuelle et une détermination hors du commun. Dès son origine, cette entreprise s’est spécialisée dans la fabrication de rotules pour les moteurs d’avion, un travail de haute précision ! En France, l’entreprise avait rencontré de grandes difficultés financières obligeant son fondateur à se délocaliser. Après plusieurs tentatives ratées en Grande Bretagne puis en Europe de l’Est et enfin au Mexique, la solution a été trouvée en Inde. Une centaine d’emplois en France a été préservée (les bureaux d’étude), et seules les chaînes d’usinage ont été implantées en Inde, à Bangalore. C’est une usine innovante, impressionnante d’ordre et de propreté, où là encore les ouvriers sont fortement responsabilisés. En matière de gestion des ressources humaines, le grand défi actuel est de réussir le pari de la parité car en Inde, il est difficile d’avoir des femmes sur des chaînes de production. L’entreprise va connaître un nouveau développement avec l’arrivée d’investisseurs japonais dont le projet doit permettre la création de plusieurs centaines d’emplois en France et un effectif de plus de 1000 personnes en Inde. La visite s’est terminée par un déjeuner très sympathique avec l’équipe dirigeante au coeur de l’ancien four à briques transformé en salle à manger d’été. Nous avons beaucoup échangé avec le fondateur sur les difficultés à installer une entreprise en France ainsi que sur les contraintes du marché Indien. Assurément, l’aventure de cette entreprise familiale est un exemple enthousiasmant d’un projet qui a su faire de la mondialisation une opportunité pour son développement tout en transférant des compétences aux ouvriers locaux en s’appuaynt sur de belles valeurs de responsabilité sociale.
Enfin, j’ai découvert le secteur textile avec la troisième entreprise: Birdy Exports fondée en 1991 par une famille française, M et Madame Germain. Bien intégrée dans son bassin de vie, c’est également une entreprise exemplaire à bien des égards. Les créateurs sont très attentifs au bien-être et au développement de leurs employés, femmes et hommes. Chacun d’entre eux, sans compétence professionnelle ni éducation au départ, est formé à l’anglais et à la gestion de ses revenus. L’entreprise offre des services de crèches, des cours de yoga et propose même des prêts pour l’éducation des enfants. Bref, une entreprise et des fondateurs qui ont un vrai sens de la responsabilité sociale. En échangeant avec eux, ils ont beaucoup insisté sur la nécessité de développer un modèle d’entreprise qui intègre la culture locale et qui respecte ses contraintes. Beaucoup d’entrepreneurs occidentaux arrivent avec leurs schémas, leurs modèles, leurs idées préconçues; ils se heurtent à des résistances et ne parviennent pas à s’adapter. L’Inde a aussi ses règles y compris dans le secteur de fabrication de vêtements et contrairement à ce que certains s’imaginent, ces règles pour permettre un travail de qualité sont très similaires à celles d’Europe.
Si je devais retenir trois conseils à des créateurs d’entreprises à partir de ces échanges, je dirais :
- Savoir s’adapter aux contraintes
- Commencer petit mais rêver en grand
- Avoir beaucoup de patience, beaucoup de ténacité car c’est long de passer du stade de projet à celui des revenus !
J’ai conclu ce séjour à Bangalore avec le Gala de la Chambre de Commerce et d’Industrie.Je tiens à remercier son président Monsieur Guillaume Girard-Reydet pour la qualité de cet évènement ainsi que toutes les personnes présentes pour leur accueil chaleureux. À cette occasion, j’ai eu le plaisir et l’honneur de rencontrer Monsieur Deshpande, Ministre de l’État du Karnataka en charge des Grandes et Moyennes Entreprises. J’en profite pour présenter mes plus fervents remerciements à Monsieur Franck Barthelemy, conseiller consulaire qui m’a accompagnée très efficacement tout au long de ce déplacement jusqu’à cette soirée et qui m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes très impliquées dans les relations Franco-Indiennes. Je pense notamment au très intéressant réseau d’écoles françaises qui cherchent à attirer des étudiants vers la France comme l’EDHEC, la Skema, l’école de commerce de Rennes ou encore l’école d’Ingénieurs de l’ICAM.;
Beaucoup d’enthousiasme et de belles perspectives ont émané de ce déplacement. De mon côté, j’ai rappelé ma disponibilité pour tous les porteurs de projets, mon vif intérêt pour soutenir la coopération Franco-Indienne et pour faire ensemble « une mondialisation qui profite à tous ».
Bangalore
Super article comme d’habitude. Un grand merci pour tout ce que tu nous partages.