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Faut-il punir le volontourisme?

27 novembre, 2018

Le volontourisme, est un phénomène en vogue, consistant à donner de son temps lors d’un séjour touristique, pour joindre l’utile à l’agréable et rendre ses vacances plus « éthiques ». Seulement, ces « missions » peuvent parfois n’être que des prétextes pour développer une nouvelle forme de tourisme qui peut s’avérer très lucrative pour une poignée d’agences spécialisées.
 
J’ai dernièrement adressé deux questions écrites à la Garde des Sceaux et au ministre des affaires étrangères afin de les interpeller sur ce sujet.
 

Bien choisir ses missions de volontariat

J’encourage personnellement les expériences professionnelles à l’étranger, et en particulier le volontariat. Mais il est essentiel avant de s’engager de se poser les bonnes questions:
 

Suis-je qualifié pour le poste? 

Partir à l’étranger est parfois l’occasion de se voir confier des postes ou missions auxquels on aurait eu du mal à accéder dans l’Hexagone. Il est cependant pertinent de vous demander si êtes qualifié pour le poste auquel vous voulez pourvoir, si par exemple vous possédez une connaissance ou une compétence spécifique qu’il serait difficile de recruter sur place et qui justifierait que vous vous déplaciez dans un autre pays? Pourquoi vous a-t-on choisi? Vous a-t-on réellement recruté pour l’impact positif que vous pouviez apporter ou plutôt pour votre participation financière?
 

Quelle est la durée de la mission?

Il est difficile d’établir une durée minimale à partir de laquelle une mission est utile, mais travailler quelques jours pour une entreprise ou une ONG, que l’on soit salarié ou volontaire, n’a pas vraiment de sens. Il faut souvent plusieurs mois pour s’adapter à un nouvel environnement professionnel et commencer à être utile dans son travail.

Les professionnels du secteur humanitaire effectuent très rarement des missions de quelques semaines à l’autre bout du monde, à l’exception de quelques experts très spécialisés intervenant sur des situations singulières. On ne fera jamais déplacer un salarié ou un volontaire à 10.000 kilomètres de chez lui pour enseigner l’anglais pendant un mois ou construire un puit!

 

Dois-je payer pour travailler?

La question peut paraître saugrenue, mais de nombreuses agences ou organisations demandent une participation financière aux potentiels volontaires. Ces frais sont souvent présentés comme couvrant les besoins d’hébergement, de nourriture, ou encore des donations. En réalité, ils sont souvent bien plus élevés que ce que vous coûtez à l’organisation. Faire un don à une association est tout à fait louable, mais conditionner le droit à travailler par ce don interroge sur la nécessité de votre présence sur le terrain. Quelle organisation se priverait d’un volontaire qui lui serait utile au motif qu’il ne voudrait pas faire de don? Préférez donc les organismes ne vous demandant pas de participation financière et vous laissant libre de choisir votre logement et votre nourriture.
 

Le volontourisme présente des risques

La question du volontourisme pose un double problème: tout d’abord, de nombreux touristes sont trompés sur la réelle utilité de leur séjour. Les agissements de certaines agences de placement de volontaires pourraient s’apparenter à de la fraude.

Mais certaines missions peuvent également s’avérer dangereuses pour les publics cibles, et même déstabiliser le marché du travail. Pourquoi employer de la main d’œuvre locale lorsque des étrangers de passage sont prêts à payer pour travailler?

La question du travail auprès de mineurs est particulièrement sensible et m’interpelle vivement. Un exemple flagrant impliquant des mineurs dans notre circonscription est la tendance du volontariat en orphelinats au Cambodge.

À la fin de la période des Khmers Rouges, de nombreux enfants se sont retrouvés orphelins, et de nombreux orphelinats ont du se créer, souvent avec l’appui ou à l’initiative d’organisations ou de personnalités étrangères. Seulement, le nombre d’orphelinats n’a cessé d’augmenter au Cambodge, alors même que les orphelins de cette sombre période de l’histoire du pays sont désormais tous majeurs depuis une vingtaine d’années. En réalité, selon les ONG sur place et l’UNICEF, la majeure partie des enfants hébergés dans ces institutions auraient des parents !

Les orphelinats font désormais partie de l’économie du Cambodge. Ils sont source de tourisme et d’emplois directs et indirects, et tout le monde n’a pas envie de les voir partir, et avec eux de généreux volontaires venus pouponner et tenter d’éduquer ces enfants. Un autre danger persiste, difficilement chiffrable, mais pointé du doigt par l’UNICEF, celui de faire courir à ces enfants des risques d’abus (notamment sexuels), de la part de volontaires, ou même de gestionnaires d’orphelinats. 

 

Le Cambodge, pays en pleine transition

Néanmoins, tout n’est pas noir. Des progrès sont remarqués dans certains pays qui accueillent beaucoup de volontouristes. C’est le cas toujours au Cambodge qui a récemment lancé un plan de fermeture de ces orphelinats et d’arrêt de l’adoption internationale. Officiellement, depuis 2016, aucun nouvel orphelinat n’aurait ouvert. Cependant, le travail du Gouvernement cambodgien, et d’autres qui pourraient suivre son exemple, est très difficile tant que ces destinations restent attractives pour le « volontourisme ». Dans une question écrite adressée à la Garde des Sceaux Nicole Belloubet, j’appelle le Gouvernement à adapter sa législation et ses pratiques afin d’aider le Cambodge à effectuer cette transition vertueuse.
 

Que peut faire la France?

Que peut-on faire en France pour aider le Cambodge et les autres pays qui voudraient établir une transition éthique de leur secteur humanitaire? Elle peut agir sur trois axes: en sanctionnant, en informant et en prévenant.
 

Sanctionner

Sanctionner les touristes en France pour des séjours de volontariat effectués à l’étranger peut paraître excessif.

C’est pourtant le choix qu’ont fait l’Australie et le Royaume-Uni qui ont récemment adapté leurs législations, reconnaissant les personnes faisant du volontourisme en orphelinat coupable de traite d’êtres humains. Pourquoi ne pas également sanctionner certaines agences basées en France, envoyant des volontaires dans des projets peu éthiques à des fins purement lucratives? 

 

Informer

Qu’il y ait ou non une législation contraignante ou punitive autour du volontourisme en orphelinats, il doit y avoir en amont une information suffisante. Car si certains volontaires se rendent coupables, ou tout du moins complices, de ce qui pourrait s’apparenter à de la traite d’êtres humains, c’est dans la grande majorité des cas par ignorance de ce phénomène et en totale bonne foi.

France Volontaires joue en ce sens un rôle primordial, car même parmi les volontaires qui ne sont pas envoyés directement par l’organisation, certains Français font appel à eux pour demander des informations, des conseils, avant de se lancer dans une mission de volontariat. Mais tous les volontaires ne font pas cette démarche.

Le Gouvernement doit également prendre sa part de responsabilité dans l’effort de sensibilisation auprès des futurs volontaires. Par une deuxième question au Gouvernement, adressée cette fois au Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, j’appelle à ajouter une information sur la page «  Conseils aux voyageurs » du site France Diplomatie. L’Australie par exemple alerte déjà ses concitoyens sur les problématiques liées au volontourisme sur le site de son ministère des Affaires étrangères.

Soulignons également le rôle de certaines associations et initiatives de citoyens engagés sur la question. C’est le cas par exemple de Chloé Sanguinetti, que j’ai rencontré dernièrement à Phnom Penh, et qui échange régulièrement avec mon équipe sur le sujet. Elle est la réalisatrice du film The Voluntourist, et utilise son film comme outil pédagogique pour réaliser régulièrement des sessions d’information et de sensibilisation.

Prévenir

Enfin, un moyen d’aider ces pays à lutter contre certains risques, notamment d’abus sexuels, serait d’intensifier nos moyens préventifs en la matière et de renforcer des échanges d’informations judiciaires pour éviter les situations à risque. Pourquoi ne pas demander par exemple aux agences basées en France d’exiger un extrait de casier judiciaire vierge pour travailler avec des mineurs, comme elles devraient le faire si elle plaçait un volontaire en France?

 

Il s’agit d’un sujet complexe, mêlant éthique, aide au développement, mobilité, et un soupçon de diplomatie. J’avance donc prudemment et serais ravie de pouvoir lire vos avis et réflexions à ce propos. 

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