Bientôt 2 mois que des français vivent sous contraintes en Chine: où en sont-ils? Comment vivent-ils? Un retour à une vie normale est-il en vue? La Chine se réveille-t-elle? 90 minutes d’échanges à bâtons rompus que l’on aurait pu poursuivre tant il y a à raconter! Récit* :
Coté sanitaire, la situation s’améliore mais on craint d’être réinfesté de l’étranger
Point de départ de cette nouvelle maladie, la Chine voit depuis quelques jours ses chiffres de nouveaux cas baisser fortement pour être très inférieurs à ceux observés en Italie, Iran ou France. L’épidémie semble y plafonner, du moins pour les cas dits « autochtones » car une nouvelle menace plane désormais avec l’arrivée de nouveaux cas en provenance des points à haut risque du globe qui exposent la Chine à une « ré-infestation ». Au quotidien, les français interrogés décrivent une vie qui semble poursuivre son cours. Malgré le confinement, les activités économiques reprennent peu à peu pour les unes (commerces), se poursuivent pour les autres (fourniture d’énergie), mais poussivement, lentement, bien loin du niveau d’avant-épidémie. Les entreprises s’adaptent. Du télétravail a été imposé partout où cela était possible (services, universités, écoles). Les horaires d’ouverture des commerces et transports publics ont été réduits pour un niveau comparable à celui classiquement bas de la période du Nouvel An chinois. Partout dans la province du Hubei, les courses sont livrées à domicile et on ne manque de rien. Les livraisons passent par un sas à l’entrée des résidence organisé soit par les gardes de la résidence, soit par le comité de quartier, pour éviter les contacts entre livreurs et clients.
La surveillance s’immisce partout
Individuelle (on doit transmettre sa température corporelle chaque jour), par la police qui appelle une fois par semaine vérifier que le confinement est bien respecté, par l’employeur chargé lui aussi de transmettre les relevés de température corporelle de ses employés . Impossible de recevoir des amis chez soi. Les gardiens d’immeubles veillent. Il n’y a d’ailleurs plus de vie nocturne.
Dans plusieurs province, l’autorisation d’entrée dans un bâtiment public est soumise à la validation d’un QR code individuel qui fournit un code couleur, vert, orange ou rouge sur la base d’un suivi de situation individuelle renseignée dans une application pour smartphone disponible dans We Chat et Alipay: Vert on peut entrer, Orange ou rouge, on passe son chemin. Il devient difficile de se déplacer sans cette application.
Un sujet est souvent revenu, celui de l’école
Comment poursuivre sa scolarité dans ces conditions? Comment continuer à faire fonctionner des classes dont une partie des élèves ou des professeurs rentrés en France ont un décalage horaire de 7 heures avec la Chine? La question est d’autant plus critique pour les élèves des classes à examens (3ème, 1ère et terminales). Emails quotidiens, visioconférences, accès aux cours du CNED, devoirs à faire à la maison… dans les écoles chinoises, internationales ou françaises, selon les classes et les enseignants, les réponses semblent varier. Après une période de flottement, les établissements chinois disposent maintenant de matériels videos pédagogiques réalisées et validées par les autorités: l’enseignement a repris, d’une autre manière mais sans doute tout aussi efficace. Les écoles internationales se sont très rapidement adaptées: cours envoyés par email, visioconférences d’enseignement en classe virtuelle, séance de questions-réponses avec l’enseignant par video. Et pour tous, le soutien des parents au moins en fin de journée. Pour les écoles françaises, si le CNED est mis à disposition, il n’est pas facile de se l’approprier ainsi en cours d’année ; sa pédagogie , l’ordre et les détails de son programme dans une matière sont parfois différents de ceux choisis par l’enseignant sur place. Les enseignants sont diversement investis dans cette mission totalement inattendue, de ceux qui, depuis la France, se lèvent en milieu de nuit pour être disponibles pour leurs élèves restés en Chine à ceux qui se contentent d’envoyer un cours écrit par email ce qui, pour des élèves de CP qui ne manient pas encore lecture et écriture de manière fluide, se révèle inadapté.
Un soutien de la Chine à ses entreprises
Côté activités économiques, le plus frappant est le soutien aux entreprises mis en place par les autorités chinoises à tous niveaux, national et local. Un document décrivant 21 mesures pour les PME nous a été partagé. Je retiens : le report de paiement de l’impôt sur les sociétés, le report de paiement de la TVA, l’exonération partielle de charges sociales pour l’année 2019 conditionnée à une limitation des licenciements à 5% des effectifs, l’exonération totale de loyer des locaux publics pour 3 à 6 mois, l’incitation des propriétaires privés à exonérer de loyers les PME, baisse de prix de électricité, du gaz et de l’eau. Ces mesures sont particulièrement bienvenues car les salaires continuent à être versés, en public comme en privé, ce qui expose les PME a de grandes difficultés. En effet, les baisses de chiffre d’affaire rapportées sont vertigineuses: en février, -100% dans la restauration pour l’un des participants, -80% pour un autre dans le secteur automobile (avec une perspective de -50% pour Mars), -80% aussi pour un consultant en restauration, -60% cité par un autre intervenant qui n’a pas cité son secteur d’activité. Les trésoreries sont à sec, nul ne saurait prédire quelle sera l’issue: sombrer ou rebondir, la Chine et ses acteurs ont une capacité de résilience qui pourrait nous surprendre. Nous le saurons dans les prochains mois. D’ici là, patience et résignation restent les deux seuls remèdes possibles.
(*) Ce récit n’est pas une généralité sur la situation en Chine mais des tranches de vie rapportées par des Français vivants dans plusieurs provinces chinoises ; il ne saurait être une représentation exhaustive].