Le 22 mai 2024, j’ai présenté devant la Commission de la Défense et des Forces armées les conclusions de la mission parlementaire que j’ai menée avec mon co-rapporteur le député Bastien Lachaud.
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Un constat clair
Conformément à la lettre de cadrage adressée en novembre 2023 par le président de la Commission de la défense nationale et des forces armées, le rapport portait sur le rôle et l’influence de la France dans l’OTAN.
Il est clair que la guerre en Ukraine a mis en lumière le rôle central de l’OTAN dans la défense territoriale de l’Europe. En effet, l’Alliance atlantique a réagi promptement, s’est élargie à de nouveaux membres, tout en adoptant un nouveau concept stratégique. Le rapport mentionne également que « la France occupe une position singulière dans l’OTAN », position qui lui a toujours conféré une grande influence, renforcée depuis son retour dans le commandement militaire intégré. Cette singularité est due à des « capacités militaires et opérationnelles uniques », incluant une armée d’emploi et une dissuasion autonome, donnant à la France un rapport non existentiel à l’OTAN, marqué par une « histoire complexe » ponctuée de revirements politiques.
Grâce à cette position unique, la France peut défendre ses intérêts politiques, militaires et industriels, mais son influence demeure insuffisante. Bien que perçue comme une puissance militaire crédible et que son rôle en Roumanie sur le flanc Est de l’OTAN soit apprécié, son indépendance et son comportement de « franc-tireur » engendrent une « suspicion persistante » quant à « la sincérité de son engagement » dans l’OTAN.
Enfin, la France doit surmonter plusieurs défis pour devenir un « allié exemplaire » au sein de l’OTAN. Le premier défi est l’interopérabilité, malgré les risques financiers, industriels et en ressources humaines. Le deuxième défi est de devenir un moteur de la coopération UE-OTAN, actuellement bloquée malgré son fort potentiel. Le troisième défi concerne l’unité au sein de l’OTAN, malgré des divergences sur la perception et la hiérarchie de certaines menaces (russe, chinoise…). Le quatrième défi est l’absence de stratégie française dans l’OTAN.
Stratégie, crédibilité, anticipation : trois objectifs pour la France dans l’OTAN
Défendre la France au 21e siècle ne peut se faire qu’en coalition. Face aux menaces et aux métamorphoses de la guerre, dans un contexte géostratégique incertain, l’OTAN n’a jamais été aussi cruciale pour la France et l’Europe, et réciproquement.
L’OTAN offre à la France une garantie de défense en amplifiant la puissance de ses armées sans compromettre leur indépendance. Ainsi, la France n’a rien à perdre à s’impliquer davantage dans l’OTAN, mais tout à perdre en faisant le contraire. C’est ce que j’appelle le ‘pari otanien’.
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Objectif à court terme : Élaborer une stratégie claire dans l’OTAN
La France se doit de développer une stratégie au sein de l’OTAN qui allie la défense de ses intérêts à la solidarité avec ses alliés. L’OTAN est central pour la défense collective de l’Europe, car l’autonomie stratégique européenne n’est pas réaliste à court terme.
Force est de constater que l’OTAN est un « impensé stratégique » de la politique de défense française. Il nous faut désormais une vision et des objectifs clairs sur le rôle que nous voulons avoir au sein de notre Alliance. Cette stratégie devrait être largement publicisée et débattue au Parlement afin de développer une « culture OTAN » chez les décideurs politiques et le public. Je souhaite également un changement de posture pour que l’Alliance soit perçue et vécue en France comme « notre Alliance ».
- Objectif à moyen terme : Renforcer la crédibilité de la France au sein de l’OTAN
Pour renforcer la crédibilité de la France, je préconise d’augmenter l’effort de défense (en allant vers les 3% de PIB à l’horizon 2030) et de s’impliquer davantage dans les organes et activités de l’OTAN, y compris les exercices militaires. Il me paraît important d’écouter davantage les besoins et attentes des partenaires pour maximiser la réception des idées françaises. Enfin, je suggère également que l’intégration de la France dans le groupe des plans nucléaires (NPG) constituerait un « choc de confiance » pour les alliés, parachevant ainsi le retour de la France dans l’OTAN.
- Objectif à long terme : Préparer un avenir incertain en créant un pilier européen de l’OTAN
Face à l’incertitude de la garantie de sécurité des États-Unis, avec un possible retour de Donald Trump à la présidence et le pivotement des intérêts américains vers l’Asie, je souligne l’importance de préparer la France à assumer ses responsabilités vis-à-vis de ses alliés européens. Si l’implication américaine en Europe devait diminuer, la France, première puissance militaire du continent et seul membre de l’UE doté de l’arme nucléaire, serait en première ligne. Dans ce cadre, je plaide pour travailler dès maintenant à la construction d’un pilier européen de l’OTAN, indispensable pour l’autonomie stratégique européenne car l’interopérabilité entre armées européennes se fait et continuera de se faire au sein de l’OTAN.
Mes 15 recommandations
Recommandation générale : Investir et développer une « culture OTAN » dans le temps long, au service d’une stratégie française au sein de l’OTAN et dans le but de défendre nos intérêts, y compris l’autonomie stratégique européenne.
Recommandation n°1 : Rédiger une stratégie française qui soit en mesure de définir la vision française de l’OTAN et ses objectifs, tout en montrant notre implication et notre appropriation de l’Alliance.
Recommandation n°2 : Prioriser les combats à mener au nom de l’autonomie stratégique européenne, plutôt que d’avoir le réflexe systématique de l’invoquer partout, ce qui décrédibilise nos efforts pour promouvoir le potentiel européen.
Recommandation n°3 : En fonction des objectifs définis dans la stratégie susmentionnée, mettre en place des indicateurs à destination des acteurs français impliqués dans l’OTAN (nombre de postes détenus par des Français, d’exercices auxquels la France participe, de marchés proposés au sein de l’OTAN, etc.).
Recommandation n°4 : Assurer la publicité de cette stratégie française de l’OTAN auprès de nos armées, de nos diplomates et plus largement de l’ensemble des ministères, en y associant le Parlement via un débat.
Recommandation n°5 : Investir davantage les instances parlementaires connexes que sont la délégation française de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN ou le collège de l’OTAN (présence, budget, etc.).
Recommandation n°6 : Renforcer nos effectifs dans des pays tels que la Roumanie ou l’Estonie afin de montrer notre solidarité vis-à-vis de nos alliés, ainsi que notre présence dans les exercices et missions de l’OTAN. Celle-ci pourrait se traduire par un déploiement au sein d’une nouvelle mission sur le flanc sud ou par le fait d’être une deuxième fois nation-cadre dans un environnement tel que le cyber.
Recommandation n°7 : Envisager un effort supplémentaire en matière de dépenses de défense pour atteindre les 3% du PIB à l’horizon 2030, tout en préservant les 20% mobilisés pour l’innovation et la recherche.
Recommandation n°8 : Être exemplaire dans notre soutien à l’Ukraine, d’abord en renforçant l’information sur le soutien militaire apporté par la France, à destination de l’opinion publique, française et étrangère, notamment par une mise en valeur de celui-ci dans les médias et en particulier sur Internet.
Recommandation n°9 : Sensibiliser les opinions publiques grâce à la publication de podcasts en langue française, à l’enseignement de l’OTAN au lycée et dans les établissements d’enseignement supérieur, ou encore la formation des correspondants défense des communes françaises via un kit et une lettre d’information annuelle.
Recommandation n°10 : Accroître notre implication dans les organes et activités de l’Alliance, à commencer par le Commandement alliés opérations (ACO).
Recommandation n°11 : Favoriser la mise en place de « contributions nationales volontaires » au sein de notre administration, afin de créer une acculturation à l’OTAN en aval.
Recommandation n°12 : Créer un « choc de confiance » en intégrant le groupe des plans nucléaires (NPG).
Recommandation n°13 : Préciser systématiquement le périmètre de mission de la Direction générale de l’armement (DGA) et l’assortir d’indicateurs, en cohérence avec la stratégie choisie.
Recommandation n°14 : Renforcer la BITD européenne grâce aux industries de défense européennes, sur la base des conclusions du rapport THIÉRIOT et LARSONNEUR.
Recommandation n°15 : Bâtir et renforcer le « pilier européen de l’OTAN », avant de le mettre au service de l’autonomie stratégique européenne.
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